L’Ourartou
La civilisation
 

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 Pour plus de détails voir aussi :  L’Ourartou, l’histoire l’Arménie

 

Sommaire
 

Étymologie
Localisation
Les villes principales
L’origine
La découverte et l’archéologie
Langue et écriture
     La langue
     L’écriture
Les arts 
     Statuettes, décorations, armes, bijoux etc …
La structure sociale
Les forteresses
L’économie et le commerce
     L’agriculture
     L’irrigation
     L’élevage
     L’artisanat et l’industrie
La religion
     Les principales divinités du panthéon
Tushpa
Bibliographie

Château forteresse
de Tushpa,
l’actuelle Van Kalesi

 

Étymologie

 
   L’Ourartou, (En Ourartéen : Biai ou Biainili ou Biaineli, en Arménien : Ուրարտու  Urartu, en Assyrien : māt Uraru ou Uruatri, en Babylonien : Urashtu, en Akkadien : Uraštu), et non pas Urartu comme on peu encore le lire trop souvent en Français (cf : Larousse), correspond sûrement au biblique royaume d’Ararat (En Arménien : Արարատյան Թագավորություն), ou royaume de Van (En Arménien : Վանի Թագավորություն). Le nom Ourartou fut donné par ses ennemis les plus acharnés au Sud, les Assyriens, et signifie “village de montagne“. C’est en effet dans les annales de l’Empereur Assyrien, Salmanazar I (1275-1245) qu’est enregistrée une campagne dans laquelle il soumit l’ensemble du territoire "d’Uruatri“. Le texte du souverain utilise, le nom Ourartou et les noms de huit "terres" figurant en Ourartou (qui à l’époque de la campagne étaient encore très désunis) pour se référer à une région géographique, pas à un royaume.


 

Autre vue du château forteresse de Tushpa

 
   Le nom indigène, qui était noté sur les inscriptions des Rois Ourartéens, était Biainili (ou Biaineli), qui fut le nom originel du lac de Van. Certains spécialistes pensent que la “Ararat” de l’Ancien Testament est une variante de l’AkkadienOurartou“. En effet, le mont Ararat était situé sur le territoire de l’Ourartou (Aujourd’hui en Turquie), à environ 120 km. au Nord de son ancienne capitale. Il convient également de noter que, dans l’Ancien Testament “Ararat” fut également utilisé pour indiquer un ancien royaume qui était situé au Nord de la Mésopotamie (Jérémie 51:27). De même, les premières chroniques Arméniennes affirment que le nom original de l’Arménie était le pays d’Ararat.
 
   L’Ourartou est appelé "le royaume d’Ararat” dans de nombreux anciens manuscrits et textes sacrés de différentes nations, mais il existe toujours une incertitude de rapprocher les nom Ourartou et Ararat du fait de la variation présente dans les sources. De plus, dans les systèmes d’écriture à mono consonance, où les voyelles ne sont généralement pas indiquées, le mot écrit pourrait tout aussi bien être : Ararat, Ourartou ou Uruarti etc… Des chercheurs comme que Carl Friedrich Lehmann-Haupt, avancent que les gens à l’époque se sont appelés par le nom de khaldini, de leur Dieu Haldi (ou aldi ou Khaldi), ou qu’ils étaient reliés à la Haldi de la côte de la mer Noire. Le nom de Nairi, un peuple de l’âge du fer a souvent été considéré comme lié aux Ourartéens.
 
   Parfois, les sources antiques ont utilisé de manière interchangeable les termes "Arménie” et “Ourartou" pour désigner le même pays. Dans les inscriptions de Béhistoun en trois langues, sculptées vers 520, sur ordre du Roi Perse, Darius I (522-486), le pays est appelé, en Persan : Arminiya (ou Arminia), en Élamite : Harminuia et en Babylonien : Urashtu. En outre, les gens qui vivaient à l’Ouest de l’Anatolie furent connus des Grecs et plus tard des Romains sous le nom d’Arméniens. Strictement parlant, comme dit plus haut et comme le précisent beaucoup de chercheurs comme : Igor M.Diakonoff, John A.C.Greppin et András Róna-Tas, Ourartou est le terme Assyrien pour une région géographique. “Royaume d’Ourartou” ou “Terres Biainili” sont des termes utilisés dans l’historiographie moderne pour désigner le proto-arménien parlant de cette région à l’âge de fer. Une distinction doit être faite entre le nom géographique et l’entité politique comme l’a déjà souligné Friedrich Wilhelm König.


 

Sphinx, détail d’un trône
trouvé à Toprakkale –
Musée de l’Hermitage

 

Localisation

 
   L’Ourartou fut un royaume d’une région montagneuse, constitué vers le IXe siècle av.J.C, entre le Sud-est de la mer Noire et le Sud-ouest de la mer Caspienne, sur le haut-plateau Arménien, autour du lac de Van, dans l’actuelle Iran et Turquie orientale. Au milieu du VIIIe siècle, son territoire s’étendait également sur les pays voisins : L’Arménie, autour du lac Sevan ; l’Iran, au Nord-ouest, autour du lac d’Ourmia ; au Nord de la Syrie et de l’Irak, voire sur le Sud de la Géorgie. Mark Chahin dit que l’Ourartou à son apogée couvrait une superficie d’environ 520.000 km², s’étendant au Nord de la rivière Kura située au Sud de la Géorgie, au Sud aux contreforts Nord des montagnes du Taurus, à l’Ouest à Euphrate et à l’Est à la mer Caspienne. Les sites archéologiques à intérieur de ses frontières et anciennes forteresses pour la plupart comprennent : Altintepe, Anzaf, Argishtikhinili (ou Argishtihinili ou Armavir ou Sardarapat ou Hoktemberyan de nos jours), Sardurihinili  (ou Çavuştepe ou Cavustepe), Başkale (ou Bashkala ou Adamakert ou Elbak), Erebouni (aujourd’hui Erevan), Patnos (ou Badnoc ou Patnoc ou Panos), Teishebani (ou Teshebani ou Karmir Blur), Toprakkale (ou Rusahinili “ville de Rousa") et Tushpa (ou Van Kalesi).
 

Limite  du  royaume  d’Ourartou  sous  Sarduri II
 
Zalpa Nerik Samuha
 

Cliquez sur un nom de ville ou de région

 


 

Forteresse de Toprakkale

Les  villes  principales

 
   Les villes principales d’Ourartou étaient les suivantes :
 
Altintepe qui est identifiée au site d’Üzümlü dans le district de la province d’Erzincan dans l’Est de la Turquie actuelle. Les vestiges sont situés sur une colline volcanique haute de 60 mètres. Au cours des fouilles entre 1959-1968, réalisées par le professeur Tahsin Özgüç, une forteresse de la période Ourartéenne fut mise au jour. Sur son domaine ont également été dégagés, un temple (ou palais), une grande salle, un entrepôt, les murs de la ville, trois salles souterraines. Après une pause dans les fouilles elles reprirent en 2003, sous la direction du Professeur Mehmet Karaosmanoğlu.

 

 
Arzashkun qui fut la capitale du début du royaume d’Ourartou autour du IXe siècle av.J.C, avant que le Roi Sarduri I (833-825) ne la déménage à Tushpa en 832 av. Arzashkun avait des murs doubles et des tours, mais fut tout de même prise par l’Empereur Assyrien, Salmanazar III (859-824) vers 840. Cette ville est située différemment en fonction des spécialistes, soit : Dans la région de lac Ourmia ; dans celle du lac de Van à Malazgirt, ou à Bostankaya entre Malazgirt et Patnos, ou encore à l’Ouest ou au Nord du lac de Van. Selon Robert H.Hewsen, Arzashkun se trouvait sur la rive Nord du lac de Van, probablement près de l’emplacement de l’ancienne Arjesh, aujourd’hui inondée par les eaux du lac.
 
Ayanis qui fut une forteresse construite sous le règne du Roi Rousa II (ou Rusa, 680-645). Elle était située près du village d’Aÿartÿ, à 38 km. au Nord de Tushpa et à 300 m. des rives du lac de Van. La forteresse, bâtie sur une colline rocheuse était entourée de murs fortifiés qui délimitaient une surface de 400 × 150 m. Des fouilles archéologiques y sont menées depuis 1989 par le département de protohistoire et archéologie du Proche-Orient de la Ege Üniversitesi d’Izmir.


 

Entrée restaurée Sud-est de
la forteresse d’Erebouni

 
Bastam  (En Persan : بسطام, en Élamite : Rusa-i Uru Tur) qui fut une forteresse importante construite sous le règne du Roi Rousa II (ou Rusa, 680-645). Elle est située dans le Nord-ouest de l’Iran moderne, au dessus du lac d’Ourmia dans l’actuelle province d’Azerbaïdjan occidental. Le 9 Août 2007, elle fut proposée pour être classée comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est la deuxième plus grande forteresse Ourartéenne après celle de Tushpa. Bastam est située au sommet d’une colline escarpée au bord de la rivière Aq Çay, commandant une plaine située sur une voie de communication majeure entre la capitale Tushpa, l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
 

Erebouni (ou Arin Berd, en Arménien : Էրեբուն) est une ancienne forteresse, construite par les Rois Argishti I (785-766), Sarduri II (766-733) au début du VIIIe siècle av.J.C, en 782 selon une inscription en écriture cunéiforme sur une dalle de basalte trouvée sur le site. La vile est identifiée aujourd’hui au site Arménien d’Arin Berd, situé dans les faubourgs d’Erevan. Cette ville tire d’ailleurs probablement son nom de celui de ce site antique. Le site a été fouillé durant les années 1950 et 1960 par des archéologues Soviétiques. Les résultats des fouilles sont exposés en particulier à Erebuni museum d’Erevan.
 


 

Statuette de lion en Ivoire
trouvée à Altintepe

Musasir (ou Mutsatsir, en Arménien : Մուծածիր, en Assyrien : Mu-ṣa-ṣir, en Ourartéen : Ardini) fut une ville Sainte, lieu de culte du Dieu Haldi (ou aldi ou Khaldi), qu’en générale on situe au Sud-ouest d’Ourmia, bien que sa localisation exacte n’a pas été attestée. Elle fut la capitale d’une petite principauté durant la première moitié du Ier millénaire av.J.C, située à la charnière entre les zones d’influences des deux plus grandes puissances de l’époque, l’Assyrie et l’Ourartou. Les textes de ces deux royaumes plaident pour une localisation dans les zones montagneuses du Kurdistan Irakien, peut-être vers l’actuelle ville de Rowanduz. Il a également été proposé par quelques spécialistes d’identifier cette ville avec le site archéologique de Rabat Tepe, situé dans le Nord-ouest de l’Iran. Les annales de l’Empereur Assyrien, Sargon II mentionnent de grandes quantités de richesses pillées dans la ville lors de sa campagne de 716/714.

 

 
Teishebani (ou Teshebani ou Teishebaini ou Teišebai, “la ville de Teisheba" en Arménien : Կարմիր Բլուր) qui est une ancienne forteresse. Elle est identifiée au site actuel de Karmir-Blur, près d’Erevan en Arménie. Elle fut construite par le Roi Rousa II (ou Rusa, 680-645) pour pallier l’abandon d’Erebouni, située quelques kilomètres au Sud-est. La ville fut la capitale de la province Nord de l’Ourartou, et servait d’entrepôt pour les produits collectés à titre de redevances avant d’être redirigés vers le centre du royaume.
 
Toprakkale (ou Rusahinili “ville de Rousa“, en Arménien : Րւսահինիլի) qui est une ancienne forteresse construite par Rousa II (ou Rusa, 680-645). Elle est située près de la ville moderne de Van dans l’Est de la Turquie. Le site fut fouillé par des équipes archéologiques Allemandes, du Royaume-Uni et d’autres pays. Elle était dotée d’un réseau d’irrigation particulièrement développé.
 
Tushpa (ou Van Kalesi, en Arménien : Տոսպ : Tosp, en Assyrien : Turuspa, en Turc : Tuspa) fut la capitale de l’Ourartou et elle correspond à l’actuel site de Van Kalesi, sur les bords du lac de Van (Turquie orientale). La cité est devenue la capitale du royaume sous le Roi Sarduri I (ou Sapur, 833-825).

 

L’origine

 


 

Tête de taureau en bronze qui était fixée
à un énorme chaudron trouvée
à Toprakkale – Walters Art Museum
– Baltimore

   L’origine des Ourartéens est encore assez confuse. La tradition la situe dans les cultures de Transcaucasie au cours du IVe ou IIIe millénaire, qui s’étendit plus tard vers le Sud. Beaucoup de chercheurs y voient une association avec les Hourrites. Selon Gernot Wilhelm, la séparation avec ces derniers serait assez récente et daterait de vers 2000 av.J.C. La civilisation Ourartéenne telle qu’on la connaît par la suite prit naissance dans la seconde moitié du IIe millénaire dans la région du lac de Van. Comme nous le précisent Charles Burney et Marie-Louise Chaumont, le peu de traces archéologiques trouvées dans cette région pour cette période montrent une société de type tribal à dominante pastorale, et non sédentarisée.
 
   Les premières informations sur la présence d’entités politiques dans la région du lac de Van apparaissent au XIIIe siècle dans les sources Assyriennes, qui était la force dominante de la Haute-Mésopotamie, comme dans les annales de l’Empereur, Salmanazar I (1275-1245), où est enregistrée une campagne dans laquelle il soumit l’ensemble du territoire "d’Uruatri“. Le texte du souverain utilise, le nom Ourartou et les noms de huit "terres" figurant en Ourartou pour se référer à une région géographique, pas à un seul et unique royaume.
 
    Les souverains Assyriens cherchèrent à soumettre ces entités politiques relativement faibles et très divisées situées à l’Ouest du lac de Van, sans doute dans le but de se diriger ensuite vers le Haut-Euphrate. Le successeur de Salmanazar I, Toukoulti-Ninourta I (1245-1208) revint dans la même région, mais l’évoqua sous le nom de "pays de Nihriya (ou Nairi ou Mahri ou Nari "Terre des cours d’eau", région proche du lac de Van), terme qui est encore attesté durant les siècles suivants. Plus tard Teglath-Phalasar I (1116-1077) dans une inscription sur une stèle à Yoncali, à l’extrémité Ouest de la plaine de Bulanik (Ville de la province de Mus en Turquie), y célèbre sa victoire sur les 23 "Rois" des pays Nihriya. Selon Charles Burney il s’agissait plutôt de sorte de chefs de tribus, le seul nommé étant Sieni du Daiaeni.
 

   Au début du Ier millénaire av.J.C, les tribus Hourrites de la région du Lac de Van se regroupèrent en une nouvelle entité politique pour lutter contre les Assyriens plus efficacement, créant ainsi le royaume d’Ourartou, qui comprit la totalité du plateau Arménien, depuis le Kurdistan jusqu’au versant méridional des Alpes Pontiques. Cet État était appelé Biai ou Biainili ou Biaineli, par ses habitants, Uruatri et Urartu dans les sources Assyriennes. Le processus d’unification des tribus montagnardes dura longtemps et n’aboutit qu’au IXe siècle. Lorsque l’Ourartou réapparait dans les inscriptions Assyriennes à cette époque elle y est présentée comme un rival puissant du Nord de l’Assyrie. Uruatri et Nairi/Nihriya furent à nouveau évoqués sous le règne d’Adad-Nirâri II (912-891) lorsqu’il conquit une grande partie de la région, puis le terme définitif Ourartou apparut sous celui d’Assur-Nasirpal II (884-859), toujours aux côtés de Nairi. Ce fut en 855, qu’apparut pour la première fois l’Ourartou dans les tablettes Assyriennes, avec la mention d’un Roi un certain, Aramu d’Ourartou  (v.855-844), battu dans les premières années de son règne par Salmanazar III (859-824) et dont la capitale, Arzashkun fut prise vers 840. Les conflits armés et la rivalité entre la puissance Assyrienne et Ourartéenne s’alternèrent avec des périodes d’ententes. La civilisation de l’Ourartou, brillante mais éphémère, reste souvent mal connue.
 


 

Bouclier de Sarduri II
Musée d’histoire de l’Arménie
– Erevan.

La  découverte  et  l’archéologie

 
   Très inspiré par les écrits de l’historien Arménien médiéval Moïse de Khorène (ou Movsès Khorenatsi ou Movsēs Xorenac‘i, 410-v.490), sur les traces de la Reine Sammuramat (ou Samu-Ramat ou Shammuramat identifiée par certains spécialistes avec la mythique Samiramis ou Sémiramis) de Babylone, le chercheur Français Jean Saint-Martin suggéra, en 1827, que son gouvernement envoya le professeur Allemand Friedrich Eduard Schulz, dans la région de Van au nom de la Société Française d’Orient. Schulz découvrit les ruines d’une ville et un certain nombre d’inscriptions, en partie écrites en langue Assyrienne, et en partie écrites dans une langue jusqu’ici totalement inconnue. Il mit au jour également une stèle bilingue, la stèle Kelishin (ou Kelišin), portant une inscription bilingue assyro-Ourartéenne, retrouvée sur l’étape Kelishin (ou Kelišin), sur un col du Zagros sur l’ancienne route entre Tushpa et Musasir (ou Ardini), à la frontière moderne entre Iran et Irak. Un compte rendu de ses premières découvertes fut publié en 1828. Schulz et quatre de ses serviteurs furent assassinés par les Kurdes en 1829 près de Başkale. Ses notes furent ensuite récupérées et, en 1840, publiées à Paris.
 
   En 1828, l’assyriologue Britannique, Henry Rawlinson Creswicke tenta de copier l’inscription sur la stèle Kelishin, mais échoua à cause de la glace sur la face avant de la stèle. Le chercheur Allemand R.Rosch fit une tentative similaire quelques années plus tard, mais il fut attaqué et tué. À la fin des années 1840, Sir Austen Henry Layard examina et décrivit les tombeaux rupestres Ourartéens du Château de Van. À partir de 1870, les habitants commencèrent à piller les ruines de la forteresse de Toprakkale et vendre ses objets à des collections Européennes. Dans les années 1880 ce site subit une fouille mal faite organisée par Hormuzd Rassam, Chrétien Irakien travaillant au nom du British Museum et n’en ramena que quelques objets.
 

 

Déesse Arubani
– Erebuni museum
– Erevan

   La première collecte systématique des inscriptions Ourartéennes, et donc le début de “l’ourartologie” comme un domaine spécialisé, date des années 1870, avec la campagne de Sir Archibald Henry Sayce. L’ingénieur Allemand Karl Sester recueillit en 1890-1891 de nouvelles inscriptions. Waldemar Belck visita la région en 1891 et fit la découverte de la “stèle Rousa”. Une nouvelle expédition prévue pour 1893 fut stoppée par les hostilités Turco-arméniennes. Belck et Carl Friedrich Lehmann-Haupt visitèrent la région de nouveau en 1898-1899 et reprirent les excavations à Toprakkale. Lors de cette expédition, Belck fut attaqué par des Kurdes et échappa de peu à la mort. Les deux chercheurs atteignirent tout de même le site de la stèle Kelishin, mais furent de nouveau empêché de copier l’inscription du fait des conditions météorologiques. Après une nouvelle attaque sur Belck, l’intervention diplomatique de Guillaume II fit que le Sultan Abdul Hamid II, accepta de payer une somme au chercheur de 80.000 marks-or en réparation. Au cours de la Première Guerre Mondiale, la région du lac de Van tomba brièvement sous contrôle Russe. En 1916, les chercheurs Russes Nikolay Yakovlevich Marr et Iosif Abgarovich Orbeli, excavèrent la forteresse de Van. Ils découvrirent une stèle à quatre faces portant les annales du Roi Sarduri II (766-733).
 
   En 1939, Boris Borissovitch Piotrovsky fouilla Teishebani (ou Teshebani ou Teishebaini ou Teišebai, la modern Karmir Blur), la ville du Dieu de la guerre, Teisheba (ou Teišeba). En 1938-1940, les fouilles des chercheurs Américains Kirsopp Lake et Silva New furent interrompues par la Seconde Guerre Mondiale, et la plupart de leurs trouvailles et relevés sur le terrain furent perdus quand un sous-marin Allemand torpilla leur navire, le SS Athenia. Le peu de documents qui survécurent furent publiés par Manfred Korfmann en 1977. Une nouvelle phase de fouilles commença après la guerre. Elles furent d’abord limitées à l’Arménie Soviétique. La forteresse de Teishebani (ou Teshebani ou Teishebaini ou Teišebai, “la ville de Teisheba" ou Karmir Blur), datant du règne du Roi Rousa II (ou Rusa, 680-645), fut fouillée de nouveau par une équipe dirigée par Boris Borisovitch Piotrovskiĭ. Peu après, ce fut au tour d’Arin Berd, l’antique Erebouni.


 

Pièce d’un trône
– Erebuni museum
– Erevan

 
   L’importance du royaume Ourartéen se précisait et les publications des archéologues Soviétiques incitèrent à de nouvelles recherches. Les inscriptions des souverains Ourartéens furent de mieux en mieux comprises, notamment à la suite des travaux de Johannes Friedrich. Elles firent l’objet d’une édition de référence par Friedrich Wilhelm König entre 1955 et 1957. À partir de 1956, Charles Burney identifia de nombreux sites Ourartéens dans la région du lac de Van et, à partir de 1959, une expédition Turque sous la direction de Tahsin Özgüç fouilla Altintepe, repérée depuis 1938 à la suite de la construction d’un chemin de fer, mais laissée de côté, et Arif Erzen.
 
   À la fin des années 1960, les sites Ourartéens du Nord-ouest de l’Iran furent excavés. En 1976, une équipe Italienne dirigée par Mirjo Salvini atteignit finalement le site de la stèle Kelishin, accompagnée par une escorte militaire lourde. La guerre du Golfe ferma ces sites pour la recherche archéologique. Oktay Belli reprit alors les fouilles des sites Ourartéens sur le territoire Turc. En 1989, Ayanis, une forteresse construite par Rousa II fut mise au jour près du village d’Aÿartÿ, à 38 km. au Nord de Tushpa et à 300 m. des rives du lac de Van. En dépit de fouilles, menées depuis cette époque par le département de protohistoire et archéologie du Proche-Orient de la Ege Üniversitesi d’Izmir, seulement à peine la moitié des 300 sites Ourartéens connus en Turquie, Iran, Irak et Arménie ont été examinés par les archéologues. Sans protection, de nombreux sites malheureusement sont pillés par les résidents locaux à la recherche de trésors et antiquités vendables sur le marché parallèle.

 

Langue et écriture
 
La langue

 
   La langue Ourartéenne fut une langue agglutinante, qui n’appartenait ni aux langues Sémitiques, ni aux langues Indo-européennes, mais fut de la même branche que le Hourrite, et peut-être d’autres langues parlées à l’origine dans la Transcaucasie orientale. Gernot Wilhelm nous dit que le proto-langage, qui fut l’ancêtre commun au Hourrite et à l’Ourartéen, remonte au IIIe millénaire et la séparation des deux langues se fit vers 2000 av.J.C. Bien que l’Ourartéen ne fut pas une suite directe de l’un des dialectes attestés de Hourrite, beaucoup de ses caractéristiques en furent issu. La proximité est particulièrement vraie avec un vieux dialecte Hourrite, connu dans les textes bilingues. Igor Diakonoff, entre autres, a suggéré des liens entre les langues Hourro-ourartéennes et les langues Caucasiennes du Nord-est de la région.


 

Tablette en cunéiforme histoire de la fondation
de la forteresse d’Erebouni par Argishti I –
Erebuni museum – Erevan

 
   Le savant Allemand Friedrich Eduard Schulz, qui découvrit des inscriptions Ourartéennes dans la région du lac de Van en 1826, fit des copies de plusieurs inscriptions cunéiformes, mais ne fit aucune tentative de déchiffrement. Après celui de l’écriture cunéiforme Assyrienne, dans les années 1850, les copies de F.E.Schulz devinrent la base du déchiffrement de la langue Ourartéenne. Il est vite devenu évident qu’elle n’était liée à aucune langue identifiée, car les tentatives de déchiffrement basées sur les langues connues de la région échouèrent. Le script fut finalement déchiffré en 1882 par Archibald Henry Sayce. Toutefois, l’Ourartéen ne put être traduit dans un premier temps qu’après la Première Guerre Mondiale par l’Allemand Johannes Friedrich, dans les années 1930, grâce aux inscriptions royales bilingues, Ourartéennes/Assyriennes de Kelišin et Topzawa. D’autres chercheurs complétèrent par la suite ses travaux. En 1963, une grammaire Ourartéenne fut publiée par Giorgi Melikishvili en Russe, avec une traduction en Allemand en 1971.
 
   Cependant, il faut souligner que les textes connus écrits en Ourartéen n’emploient pas suffisamment de termes ni de formes grammaticales, ce qui fait que l’on a qu’une connaissance relative de cette langue. Les écrits sont ceux des inscriptions commémorant les hauts faits des souverains, en majorité militaires, ce qui limite le glossaire à environ 350 mots, dont la plupart sont d’Ourartéens, alors que certains sont des mots d’emprunt à d’autres langues. Le plus grand nombre de mots d’emprunt étrangers est de l’Arménien, autour de 70 mots-racines. De plus les verbes ne sont connus qu’à la première personne du singulier et à la troisième personne au singulier et au pluriel, car ce sont les seules à apparaître dans ces inscriptions. Comme le précise Gernot Wilhelm, si l’on s’en tient aux généralités, l’Ourartéen est aussi une langue à ergativité (Cas grammatical utilisé pour indiquer le sujet d’un verbe transitif), utilisant l’ergatif pour exprimer le sujet d’un verbe transitif. La syntaxe est en général de structure sujet-objet-verbe.

 


 

Autre inscription du Roi Argishti I – Erebuni museum – Erevan

 

L’écriture

 
   Pour transcrire leur langue, les Ourartéens utilisèrent l’écriture cunéiforme, en s’inspirant de sa forme néo-assyrienne. Les premières inscriptions royales connues, avant que l’Ourartéen ne se généralise, furent écrites en Akkadien, dans sa variante Assyrienne. La majeure partie du corpus connu à ce jour, comme dit plus haut, consiste en des inscriptions royales célébrant des victoires militaires, ou bien des constructions, et le culte officiel. Quelques tablettes d’argile administratives furent mises au jour dans les forteresses construites sous le règne du Roi Rousa II (ou Rusa, 680-645), ainsi que quelques inscriptions ou des marques de sceaux.
 
   Les scribes Ourartéens utilisèrent très peu de signes, à peine une centaine. Ces signes avaient essentiellement des valeurs phonétiques (des phonogrammes), marquant des syllabes. Pour préciser le sens de certains mots, des logogrammes (un mot désignant une chose) ont aussi été employés. Les Ourartéens ont utilisé deux types d’écritures à base de pictogrammes, l’une d’elles étant manifestement inspirée des hiéroglyphes Hittites utilisés pour marquer la langue des Louvites en Anatolie à la fin du IIe millénaire. Elle fut d’ailleurs retrouvée à proximité des régions Louvites, à Altintepe, et les seuls signes connus sont inscrits sur des contenants dont ils devaient indiquer la capacité. L’autre forme de hiéroglyphes est connue surtout par deux courtes inscriptions, une sur une tablette provenant de Toprakkale et une autre sur une plaque de bronze de provenance inconnue et non déchiffrée.

 

Les arts


 

Dieu Teisheba

 
   L’art d’Ourartéen fut fortement influencé par la proximité de l’Assyrie, l’État le plus important de cette période dans la région et malgré des différences stylistiques évidentes il a longtemps été considéré comme une branche de l’art Assyrien. Il atteint un sommet autour du VIIIe siècle av.J.C, mais il fut pillé, dispersé et détruit par la chute d’Ourartou un siècle plus tard. Le style des artisans Ourartéen resta inchangé pendant plusieurs siècles et fut progressivement simplifiée. L’art Ourartéen fut relativement mal caractérisé jusque dans les années 1950, lorsque des travaux archéologiques majeurs commencèrent dans les anciennes villes Ourartéenne de Teishebani (ou Teshebani ou Teishebaini ou Teišebai) et Erebouni (ou Arin Berd), et que de nombreuses tablettes en cunéiforme Ourartéen furent déchiffrées.
 
   L’Ourartou nous a tout de même laissé beaucoup d’objets, nous renseignant sur son activité artistique. Le royaume exportait ses productions, entre autres ses chaudrons, jusqu’en Grèce. Le chaudron d’Altintepe, portant quatre têtes de taureau à la place des poignées date du VIIe siècle. Les Ourartéens contrôlaient de nombreuses mines de cuivre et de fer. Dans les villes une importante activité métallurgique pouvait se développer. Le travail de l’ivoire a été aussi très développé par les Ourartéens. Dans les pièces que l’on a découvert, qui décoraient le mobilier, on retrouve des motifs de griffon, de visage humain, des statuettes de lions etc…


 

Griffon ailé en ivoire
trouvé à Altintepe
Musée des civilisations
Anatoliennes – Ankara

 
Les statuettes, les décorations, les armes, les bijoux etc…

 
   Bien que les maîtres Ourartéens furent capables de produire de grandes statues de bronze, nous n’en avons à ce jour jamais retrouvé, pas même des fragments. La littérature mentionne que les Assyriens, lors du pillage de la ville de Musasir (ou Ardini), enlevèrent une statue de bronze du Roi Argishti I (785-766). Des petits objets d’art en bronze furent réalisés exclusivement pour le palais du Roi et sont divisés en trois groupes par les spécialistes : Les décorations de trône, les ornements sur cuivre des chaudrons et les statuettes de Divinités Ourartéennes.
 
   Entre 1877 et 1885, les chasseurs de trésors locaux vendirent quelques petits fragments de décorations de trône en bronze à plusieurs musées Européens. Ces fragments plus tard s’avérèrent faire parties d’un seul et même trône du même Roi d’Ourartou. Ils furent coulés dans un moule, puis dorés à la feuille d’or. Les fragments sont actuellement conservés dans le British Museum, à l’Ermitage, au Louvre, au Metropolitan Museum of Art et dans des collections privées à Paris et Bruxelles.
 
   Les décorations de chaudron sont les objets en bronze les mieux conservés et ils furent utilisés au début du XXe siècle pour identifier dans l’art le style Ourartéen. Les cuivres décorés des chaudrons étaient apparemment utilisés pour les cérémonies rituelles. Par exemple, les annales de l’Empereur Assyrien, Sargon II (722-705) mentionnent un récipient en bronze rempli de vin faisant partie du sacrifice au Dieu Haldi. Des statuettes de bronze furent coulées séparément et ensuite attachées à la vasque. Elles comprennent des têtes de taureau et des divinités ailées, peut-être le Dieu Shivini et son épouse Tushpuea. La technique de fabrication des ornements en bronze Ourartéenne se propagea vers les pays voisins, en particulier en Phrygie, puis en Europe. Des ornements de chaudron Ourartéen furent trouvés à Rhodes, Athènes, en Béotie, à Delphes, à Olympie et dans des tombes étrusques.


 

Haut de carquois de Sarduri II
Musée de l’Ermitage
– Saint-Pétersbourg.

 


 

Dieu Haldi – Peinture murale.


   Les armes étaient aussi particulièrement travaillées chez les Ourartéens. De nombreux casques furent mis au jour, plus de 20 en une seule fois lors des fouilles de Teishebani. Ces casques royaux de cérémonie ne différaient pas dans la forme de casques de combat simples mais contenaient des images gravées. Egalement quelques boucliers en bronze Ourartéen décoratifs ont été trouvés près de Van et 14 dans les fouilles de Karmir Blur. Ils sont aujourd’hui au British Museum et au musée de Berlin. Ils ont des diamètres compris entre 70 et 100 cm et ne sont pas fait pour le combat, à en juger par la finesse du métal et le caractère des poignées. Les images ont d’abord été estampillées puis gravés avec divers instruments. L’Empereur Assyrien, Sargon II décrit dans ses annales six boucliers Ourartéens d’or, qui furent pillés à Musasir, pesant 6,5 kg chacun. Ils n’ont malheureusement pas été récupérés à ce jour. Seuls trois carquois Ourartéen royaux sont connus, tous trouvé lors des fouilles de Teishebani. Ils sont faits de bronze et contiennent des images de guerriers Ourartéen.
 
   Les bijoux d’Ourartou avaient deux niveaux, ornementaux en métaux précieux et pierres précieuses pour le Roi et sa famille, et leurs versions simplifiées en bronze utilisées par les riches. De nombreux articles de bijouterie furent également utilisés comme des amulettes. Les annales de l’Empereur Assyrien, Sargon II mentionnent de grandes quantités d’articles de bijouterie Ourartéens en argent et en or qui furent pillés à Musasir lors de sa campagne. Ils ne sont pas conservés et certains furent sûrement fondus par les chasseurs de trésor. Les principaux bijoux récupérés sont une décoration pectorale et le couvercle d’un chaudron trouvés à Teishebani ; des petits objets comprenant des broches d’or, des boucles d’oreilles, un bracelet et quelques médaillons. Les bijoux furent portés en Ourartou aussi bien par les hommes que les femmes. Ceux des femmes dépeignaient habituellement la Déesse Arubani, épouse de Haldi le Dieu suprême de l’Ourartou.

 
   Au niveau de la pierre taillée et sculptée, contrairement aux attentes, très peu de reliefs en pierre et de sculptures furent mis au jour lors de fouilles. Seuls quelques restes mineurs de reliefs en pierre furent découverts en Turquie. Les spécialistes pensent qu’ils furent probablement détruits après la chute de l’Ourartou. Par contre, des éléments de poterie furent trouvés en grand nombre. Les Ourartéens semblent avoir été relativement doués pour la fabrication d’objets d’art en ivoire ou en bois, principalement des pièces, comme des peignes en os exhumés près de Teishebani. Plusieurs caractéristiques de l’art Ourartéen furent conservées dans les pays voisins après la chute de l’Ourartou au VIe siècle av.J.C. Les observations de Boris Borisovitch Piotrovskiĭ suggèrent que la décoration et les techniques de production des ceintures et fourreaux Scythes furent empruntés à l’Ourartou.
 
   Enfin citons, les peintures murales, qui furent une autre caractéristique importante de l’art Ourartéen. Elles furent dans leur grande majorité soit religieuses, soit purement décoratives. Celles qui nous sont parvenues sont datées de la seconde moitié du VIIIe siècle jusqu’à la seconde moitié du VIIe siècle av.J.C. On trouve dans la plupart de ces peintures murales une grande influence Assyrienne, alors que d’autres présentent un style utilisant des motifs originaux. Ceux les plus souvent représentés sont des compositions géométriques ou florales, des griffons, des sphinx ailés de part et d’autre de l’Arbre de vie, des Dieux et des animaux sacrés, et des scènes animalières. 

 

Statuette d’un lion Assis en ivoire

La structure sociale

 
   La structure de l’État fut de type despotique comme ceux de l’ancien Orient. Le pouvoir des Rois d’Ourartéens était illimité. Le souverain était aussi le commandant suprême de l’armée Ourartéenne, et, comme le précise Boris Borisovitch Piotrovskiĭ, le Prêtre suprême. Contrairement à ces voisins l’Assyrie et Babylone, l’État Ourartéen n’eut aucune influence significative sur la vie publique et religieuse. Par conséquent, les terres des temples et sanctuaires étaient moins importants en Ourartou qu’en Mésopotamie. Des villes et des régions entières furent considérées comme propriété royale, qui dominait l’économie. Les principaux postes administratifs de l’Ourartou étaient occupés par les membres de la famille royale, dont le nombre pouvait aller jusqu’à 300 personnes. L’administration des régions éloignées était différente car elles étaient habitées par des groupes ethniques différents. Elles étaient dirigées par un potentat local contrôlé par le Gouverneur royal. Les régions étaient obligées de fournir régulièrement le Roi en produits, tels que le bétail, les céréales, etc..
 
   Les régions plus proches de la capitale étaient gérées directement par le Gouverneur local, habituellement un parent du Roi. Ce Gouverneur connaissait une pleine autonomie et une puissance presque illimitée, tant qu’il obéissait au souverain. En conséquence, la prospérité et l’importance des différentes régions dépendaient fortement de leurs dirigeants et de sa soumission. La population de l’Ourartou était la “propriété” du Roi. Lorsqu’il y eut des rebelles dans les provinces éloignées, ils furent généralement réduits en esclavage et envoyés aux travaux forcés. La population était obligée de participer à la construction de la nation, à l’amélioration de la maison royale, à l’érection de temples et de forteresses. Toutefois, Georgij Aleksandrovič Melikišvili nous dit qu’une partie importante de celle-ci jouissait d’une certaine liberté et avait la possibilité de gérer leur propre ferme et domestiques, voire d’avoir des esclaves. Une minorité de la population, occupait des postes militaires et judiciaires et vivait d’une allocation de l’État.

 


 
Autre vue des murs de la forteresse d’Erebouni

Les  forteresses

 
   Raffaele Biscione, Simon G.Hmayakyan et Neda Parmegiani, définissent l’Ourartou comme un “État non-urbain” caractérisé par des forteresses, qui étaient aussi des centres administratifs, des centres religieux et furent également utilisées comme entrepôt de stockage. Elles servirent en temps de guerre comme dernier refuge. Leurs garnisons étaient probablement faibles et beaucoup pensent qu’elles assuraient le rôle de ville dans l’Ourartou. Cependant, il faut souligner que les régions en dehors de ces fortifications furent rarement étudiées. Biscione voit dans les modes d’établissement Ourartéens un mélange de population issue d’une élite aristocratique et militaire et un système d’administration civile sophistiqué.

 

   La construction des forteresses fut faite principalement par des prisonniers de guerre. Les fondations étaient souvent creusées directement dans la roche, les Rois se vantèrent d’ailleurs souvent d’avoir apprivoisé la nature sauvage. Il y a quelques exceptions, comme Horom, qui date de l’âge du bronze ancien. Peut-être que les vestiges de constructions précédentes n’étaient que partiellement éliminés avant la pose de la première pierre. Les forteresses étaient généralement rectangulaire et construites en dessous de 2000 m. L’influence de la tradition Hittite a dû jouer, puisqu’on ne trouve pas vraiment d’antécédent local, cependant la capacité d’innovation et d’adaptation en fonction de la configuration des sites fut forte. Cette tradition architecturale a sans doute donné naissance à une spécialisation et une professionnalisation des maîtres d’œuvres, ce qui explique pourquoi les forteresses Ourartéennes sont très similaires, réalisées par une même école dépendant directement du pouvoir.
 


 

Autre vue de la forteresse de Tushpa –
Photo avant retouches : wikimedia.org

   Les murs en briques de boue furent standardisés sur une base de maçonnerie en pierre sèche, qui était d’environ d’un mètre de hauteur. Les bâtiments importants avaient des murs en pierre de taille réguliers. Au cours du VIIIe siècle les forteresses furent alternativement de grands et de petits bastions. Wolfram Kleiss distingue deux types de construction, une ancienne et une phase plus jeune. La plus ancienne est caractérisée par une grille rectangulaire rigide avec des terrasses élaborées. Les murs extérieurs avaient des tours d’angle et des bastions rectangulaires.
 
   Dans la période récente, la forme et la disposition de la forteresse, en particulier la paroi extérieure, furent adaptées au terrain. Les tours massives furent abandonnées en faveur de plus large, peu éloignées. Raffaele Biscione classe les forteresses en quatre catégories, qui représentaient probablement différents niveaux de gouvernement. On a retrouvé plusieurs forteresses réparties sur tout le territoire contrôlé par l’Ourartou : Tushpa, la citadelle de Van Kalesi, est la plus représentative et la plus ancienne des forteresses Ourartéennes, puisqu’elle fut érigée par le Roi Sarduri I (ou Sapur, 833-825) et servit de modèle. Les souverains suivants érigèrent des citadelles dans les territoires qu’ils dominaient, souvent très loin du lac de Van. Argishti I (785-766), construisit des forteresses, en 782 à Erebouni (ou Arin Berd) à l’aide de 6.600 prisonniers de guerre (La plaque de la fondation est d’ailleurs conservée) et en 776 à Argishtikhinili (“la Ville d’Argishti“, ou Argishtihinili ou Armavir ou Sardarapat ou Hoktemberyan de nos jours) en Arménie. Son successeur Sarduri II (766-733) fit ériger Sardurihinili (ou Çavuştepe ou Cavustepe) sur les bords du lac de Van. Altintepe qui est identifiée au site d’Üzümlü dans le district de la province d’Erzincan dans l’Est de la Turquie actuelle, fut construite sous le règne d’Argishti II (714-680). Les dernières grandes réalisations datent du règne de Rousa II (ou Rusa, 680-645), sous lequel furent érigées Teishebani (ou Teshebani ou Teishebaini ou Teišebai, "la ville de Teisheba" ou Karmir Blur), Toprakkale (ou Rusahinili “ville de Rousa"), Ayanis et la vaste Bastam (En Persan : بسطام, en Élamite : Rusa-i Uru Tur).

 

L’économie  et  le commerce

 
   L’économie de l’Ourartou était typique de l’ancien Moyen-Orient et fut étroitement associée à celle de ses voisins Assyriens. La division du travail dans l’agriculture eut lieu bien avant la formation de l’Ourartou, et donc, comme le précise Boris Borisovitch Piotrovskiĭ, les relations commerciales existaient déjà à la création de cet État. Le commerce était basé sur le troc plutôt que sur l’argent. Les guerres, en particulier contre l’Assyrie entravèrent très souvent le commerce, et des biens de valeur furent saisis souvent comme butin de guerre ou hommage. La religion participa probablement de manières importantes dans les relations commerciales. Par exemple, Nikolaj Vasil’evič Arutûnân avance que le centre religieux de l’Ourartou, Musasir (ou Ardini), élevait du bétail à la fois pour les sacrifices mais aussi pour la vente. Les articles de commerce les plus courants étaient les bovins, les chevaux, les céréales, le vin, les métaux et le bois. Les conditions naturelles de la région étaient favorables pour la culture du raisin, ainsi que pour l’élevage de chevaux, ce qui était important pour la force militaire. La production de métal fut stimulée par l’exploitation de riches dépôts minerai.


 

Jarre à vin Ourartéenne trouvée
à Teishebani (ou Karmir Blur)
– Erebuni museum – Erevan

 
L’agriculture

 
   Selon les données archéologiques, l’agriculture sur le territoire de l’Ourartou commença à se développer à partir de la période néolithique, même courant IIIe millénaire. Comme le précise Boris Borisovitch Piotrovskii, l’agriculture Ourartéenne, qui fut bien développée, fut toutefois étroitement liée à celle de l’Assyrie, notamment sur le choix des cultures et des modes de traitement. De sources cunéiformes, on sait qu’étaient cultivés dans l’Ourartou : Le blé, l’orge, le seigle, le sésame, le millet, les lentilles et le pois chiche. Des restes de graines de ces plantes ont été découverts au cours des fouilles des villes Ourartéennes. De plus le territoire possédait de nombreux vignobles. Ces céréales furent utilisées pour la cuisson du pain, la fabrication de la bière, et le sésame était traité pour l’huile végétale.
 
   Des analyses faites sur du pain trouvé près de Teishebani (ou Teshebani ou Teishebaini ou Teišebai, la modern Karmir Blur) suggèrent que sa méthode de cuisson était similaire à celle encore en usage dans certains villages Caucasiens aujourd’hui. Les grains étaient broyés manuellement ou avec des moulins, et les découvertes dans l’Est de la Turquie amènent les chercheurs à penser que l’Ourartou utilisa également des moulins à eau. La valeur exacte de la mesure de grain Ourartéen “Kapi” reste inconnue. Selon Nikolaj Vasil’evič Arutûnân, les annales de Sarduri II (766-733) mentionnent 1.022.133 Kapi d’orge, ce qui pourrait se référer à la production annuelle maximale d’Ourartou. Dans de nombreuses régions de l’État l’irrigation artificielle fut nécessaire. Dans plusieurs régions demeurent encore aujourd’hui les anciens canaux d’irrigation construits à cette époque, dont certains sont encore utilisés à ces fins.

 
L’irrigation

 
   Le facteur crucial dans l’économie de l’Ourartou était l’eau, car de nombreuses régions, comme la côte du lac de Van, la vallée de la rivière Murat et les plaines de l’Ararat n’étaient pas très bien adaptées à l’agriculture primitive et ne furent productives que grâce à une irrigation artificielle. En conséquence, les fermes à toutes époques furent concentrées autour des canaux d’irrigation, qui furent construits grâce à la mobilisation de masse de la population et furent un des principaux facteurs de la prospérité Ourartéenne du VIIIe siècle av.J.C. Grâce au système d’irrigation, l’Ourartou était auto-suffisante en grain et comme le fait remarquer Boris Borisovitch Piotrovskiĭ était le principal producteur et exportateur de vin dans la région. Le système d’irrigation fut principalement construit sous le règne les Rois Ishpuhini (825-810), Menoua (810-785), Argishti I (785-766), Sarduri II (766-733) et Rousa I (733-714) et est encore utilisé de nos jours, souvent sans reconstruction importante.


 

Segment utilisé pour les canalisations d’irrigation
– Erebuni museum – Erevan

 
   Supérieur à 70 km. de longueur, le plus grand et le plus important canal d’irrigation fut le canal Menoua (ou Shamiram), qui fournit l’eau douce à la capitale de l’Ourartou, Tushpa. Le canal traversait la rivière Hoshab sur un pont dédié, et dans les zones de basse altitude il fut soutenu par des murs de pierre dont certains faisaient jusqu’à 15 m. de hauteur. De nombreuses parties du canal fonctionnent encore aujourd’hui. Boris Borisovitch Piotrovskiĭ avance que la technologie d’irrigation Ourartéenne fut en partie empruntée à l’Assyrie voisine.
 
   Ironiquement, l’Empereur Assyrien, Sargon II (722-705) détruisit le système d’irrigation de l’Ourartou pendant sa campagne militaire de 716/714. Ses annales sur l’événement nous documentent en partie la conception du système. En particulier, il mentionna l’utilisation de tuyaux souterrains en pierre qui furent notamment découverts par les archéologues près d’une autre ville de l’Ourartou, Erebouni. Les installations d’irrigation à Toprakkale (ou Rusahinili “ville de Rousa"), construite par Rousa II (ou Rusa, 680-645), étaient spécialement développées. Elles comprenaient un lac artificiel, qui existe encore, et un réseau de canaux et de conduites souterraines. Georgij Aleksandrovič Melikišvili nous dit que le système fonctionna jusqu’à la fin du XIXe siècle, mais son aspect reste inconnu et sa description écrite sur une tablette est encore indéchiffrable.

 
L’élevage

 
   L’élevage fut pratiqué sur l’Est des hauts plateaux Anatoliens depuis le néolithique. On sait qu’il fut une préoccupation majeure de la tribu pré-Ourartéenne Nairi (ou pays de Nihriya ou Mahri ou Nari “Terre des cours d’eau“, région proche du lac de Van), le but principal de raids Assyriens sur les établissements Nairi au cours du IIe millénaire fut justement dans le but de leur voler du bétail. Bien que l’élevage passa au second plan derrière l’agriculture au cours de la période Ourartéenne, il resta une branche importante de l’économie, et fut également utilisé pour les services sacrificiels réguliers dans la religion. Boris Borisovitch Piotrovskiĭ nous dit que les animaux élevés comprenaient : Les taureaux, les buffles, les moutons, les chèvres, les porcs, la gazelle de Perse et le zébu. Les découvertes archéologiques indiquent la présence et la transformation du lait (mais peut-être pas à l’échelle industrielle) et la fabrication du fromage en Ourartou.
 


 

Fresque montrant la capture de chevaux après une
bataille entre Assyriens et Ourartéens – Vers 800 av.J.C

   Contrairement aux bovins, les chevaux eurent une importance stratégique militaire et furent utilisés pour les chars. L’élevage de chevaux était une préoccupation majeure dans l’Ourartou, et, en raison de prairies alpines abondantes, était mieux développé que dans les pays voisins. Les chevaux d’Ourartou étaient très renommés dans l’antiquité et furent très appréciés, par exemple par l’Empereur Assyrien, Sargon II (722-705), et ont été une cible de butin majeur des campagnes militaires Assyriennes. D’après les fouilles, la principale race de chevaux dans le pays était le cheval normal Equus caballus. La province de Subhi, sur la côte Est de lac Ourmia, fut particulièrement célèbre pour ses chevaux.
 


 

Bouclier – Erebuni museum

L’artisanat et l’industrie

 
   L’Anatolie orientale est considérée comme l’un des premiers centres où se développa la métallurgie, et la région où l’on découvrit les premières preuves de la transformation des métaux, qui remontent aux VIIIe et VIIe millénaire av.J.C. La région contenait de riches gisements de cuivre, de fer et de plomb, mais pas d’étain qui favorisa la production de métal. La fonte du fer, commença beaucoup plus tard, autour du IIe millénaire av.J.C. Le minerai de fer et la ferronnerie furent exportés à partir de l’Ourartou en Mésopotamie (Surtout en Assyrie), en Médie où encore sur le territoire de l’Iran moderne. Le fer était un matériau majeur de l’armement et donc un produit stratégique.

 

 
   La plupart des céramiques produites en Ourartou étaient simples, sans la peinture typique contrairement à beaucoup d’autres cultures anciennes. Seuls les éléments utilisés dans les palais et dans les cérémonies religieuses eurent quelques ornements. Les pots en céramique furent largement utilisés pour stocker et faire cuire la nourriture, tandis que le grès était relativement impopulaire. Par contre le tissage connut un bon développement dans le Royaume, comme en témoignent les textes anciens. Par exemple, dans la liste des produits récupérés à Musasir (ou Ardini) lors de sa campagne, l’Empereur Assyrien, Sargon II (722-705) mentionne 130 tuniques de couleurs différentes en lin et laine. Certaines tablettes cunéiformes Ourartéennes mentionnent également des stocks de produits en laine.
 


 

Représentation d’Haldi –
Erebuni museum – Erevan

La religion

 
   Avec l’expansion du territoire de l’Ourartou, de nombreux Dieux adorés par les peuples conquis furent incorporés dans le panthéon Ourartéen, comme un moyen de confirmer l’annexion du territoire et de promouvoir grâce à cela une stabilité politique. Cependant, bien que les Ourartéens incorporèrent de nombreuses divinités dans leur panthéon, il semblent qu’ils furent très sélectifs dans leurs choix. Par exemple, de nombreux Rois d’Ourartou firent des conquêtes dans le Nord, dans la région du lac Sevan, mais aucune des nombreuses divinités qu’adoraient les peuples de cette région ne fut gardée. Ce fut probablement parce que les Ourartéens considéraient ces gens du Nord comme des barbares.
 
   De bons exemples de divinités incorporées sont toutefois connus : Les Déesses Arubani/Bagvarti et Selardi par exemple. À Mheri-Dur (ou Meher-Tur “La porte de Mehr"), dans une grotte de la montagne de Van, une inscription énumère un total de 79 divinités, et quel type d’offrandes sacrificielles devaient être fait pour chacune. Chèvres, moutons, bovins et autres animaux servirent d’offrandes sacrificielles. Comme le précise Mark Chahin, les Ourartéens ne pratiquaient pas le sacrifice humain. Le Roi était également le Grand-Prêtre et un envoyé de Haldi (ou aldi ou Khaldi). Certains temples dédiés à Haldi faisaient partie du complexe du palais royal tandis que d’autres étaient des structures indépendantes.
 
   En ce qui concerne les temples et les lieux de culte, la religion Ourartéenne reflétait les éléments cultuels et politiques qui étaient communs aux diverses régions de l’Asie antérieure. Un relief de l’Empereur Assyrien, Sargon II (722-705) montre le temple Ourartéen de Musasir construit au IXe siècle. Ce temple, qui fut bâti sur une plate-forme élevée, avait un toit à deux pentes avec un fronton surmonté d’un motif faîtier en forme de lance. La façade possédait six colonnes avec une porte au centre. Les murs et les colonnes étaient ornés de boucliers d’or et d’argent et à l’entrée deux statues de bronze se dressaient dans l’attitude de la prière devant deux grandes lances. Ce temple ressemble aux temples d’Asie Mineure, devenus les prototypes des temples classiques Grecs.

 
Les principales divinités du panthéon

 
   Le panthéon Ourartéen était constitué de nombreux Dieux qui étaient en fait la réunion de ceux adorés par chaque tribu originelle. Une triade était à la tête de ce panthéon, les Dieux : Haldi, Teisheba et Shivini. Il comprenait aussi les Dieux des pays et des cités conquis, et des Dieux associés aux croyances magiques. Ainsi on trouvait : “Le Dieu de la ville d’Arda” (ou Musasir ou Ardini), “Le Dieu de la ville de Kumanu“, "Le Dieu de la ville de Tushpa et “Le Dieu de la ville de Khaldi“. C’étaient les divinités de différents centres religieux importants, qui faisaient partie du royaume.
 


 

Dieu Teisheba

Haldi (ou aldi ou Khaldi), fut le Dieu suprême. Probablement le Dieu de la guerre. Le nom de son épouse fut en fonction des spécialistes, la Déesse Bagbarti ou Arubani. Les Ourartéens le considéraient comme leur ancêtre. Son temple principal était situé dans la ville de Musasir (ou Ardini), que l’on situe en général au Sud-ouest du lac d’Ourmia. De nombreux autres temples lui furent dédiés.
 
Teisheba (ou Teišeba ou Teisheba) le Dieu du tonnerre et des tempêtes et parfois la guerre. Il donne son nom à l’ancienne cité de Teishebani (ou Teshebani ou Karmir Blur). Il fut un homologue du Dieu Assyrien Adad et du Dieu Hourrite, Teshoub. Il fut souvent dépeint comme un homme debout sur un taureau, tenant une poignée de foudre. Son épouse fut la Déesse Huba, qui était l’homonyme de la Déesse Hourrite Hebat.
 
Shivini (ou Shiwini ou Artinis ou Artin “Soleil Levant” ou “éveillé“) le Dieu du soleil. Il fut la contrepartie à Shivini du Dieu Assyrien Shamash. Il fut dépeint comme un homme à genoux, tenant un disque solaire. Son épouse fut probablement la Déesse Tushpuea.
 
Arubani (ou Bagbarti ou Bagbartu ou Bagvarti ou Bagmashtu) qui était la Déesse de la fertilité et de l’art. Elle fut l’épouse d’Haldi (ou aldi ou Khaldi).
 
Tushpuea (ou Toushpouea), Déesse de laquelle la ville de Tushpa tira son nom. Elle peut avoir été l’épouse du Dieu solaire Shivini car les deux sont répertoriés comme troisième, dans la liste des divinités mâles et femelles sur l’inscription Mheri-Dur. On suppose que les figures féminines ailées sur les ornements et les chaudrons Ourartéen représentent cette Déesse.
 
Selardi (ou Sielardi) qui fut une Déesse lunaire. Elle fut l’homologue de la divinité Babylonienne, Sin (ou Sîn). Nicholas Adontz avance que ce nom Sielardi serait dérivé de Siela, qui signifie femme ou sœur et Ardi, qui signifie soleil. Il affirme que dans l’Est ancien, la lune était considérée comme la sœur du soleil, plutôt que de son épouse.
 
Huba (ou Houba) elle fut l’épouse du Dieu du tonnerre, Teisheba et l’homonyme de la Déesse Hourrite Hepat.

 


 

La citadelle et les ruines de Tushpa en dessous –
Photo avant retouches : wikipedia.org

Tushpa

 
   Tushpa (ou Tušpa ou Tuschpa ou Van Kalesi, en Arménien : Տոսպ : Tosp, en Assyrien : Turuspa, en Turc : Tuspa) fut la capitale de l’Ourartou et elle correspond à l’actuel site de Van Kalesi, sur les bords du lac de Van, en Turquie orientale. La cité devint la capitale du royaume d’Ourartou sous le Roi Sarduri I (ou Sapur, 833-825). Tushpa fut citée pour la première fois dans une inscription de l’Empereur Assyrien, Salmanasar III (859-824) qui y indique sa victoire sur le Roi Sarduri I. La ville passa sous le contrôle des Arméniens Orontides au cours du VIIe siècle av.J.C et plus tard, au milieu du VIe siècle av.J.C, sous celui des Perses Achéménides. Une inscription trilingue de Xerxès I (486-465) près de la citadelle est visible sur une paroi rocheuse, à près de 20 m. au-dessus du sol. L’inscription a survécut dans un état proche de la perfection et est divisée en trois colonnes de 27 lignes écrites (de gauche à droite) en Perse ancien, en Babylonien, et en Élamite. Elle est la seul inscription royale Achéménide située à l’extérieur de l’Iran.

 
   En 331, Tushpa fut conquise par Alexandre le Grand (336-323) et après sa mort elle devint la propriété de l’Empire Séleucide. Dès le début du IIe siècle av.J.C, elle fit partie de nouveau du royaume d’Arménie. Elle devint un centre important pendant le règne du Roi Tigrane II (95-54), qui fonda la ville de Tigranocerta (ou Tigranakert) au Ier siècle av.J.C. Cette région fut gouvernée ensuite par la dynastie Arsacide d’Arménie jusqu’au début Ve siècle de notre ère. Dans l’histoire de l’Arménie attribuée à Moïse de Khorène (ou Movsès Khorenatsi ou Movsēs Xorenac‘i, 410-v.490), la ville est appelée Tosp (En Arménien : Տոսպ), de l’Ourartéen Tushpa.


 

Inscription de Xerxès I près de la citadelle

 
   La citadelle avait 1050 m. de longueur et entre 125 m. et 50 m. de largeur, ce qui lui donnait environ une surface de 4 hectares. Elle fut bâtie au-dessus de la ville, qui s’étendait sur une surface d’environ 30 hectares, sur les escarpements bordant le lac de Van. La forteresse de Tushpa fut la première et la plus grande des forteresses Ourartéennes et fut le model pour la construction des suivantes. Son monument principal fut le "château de Sarduri". On y a aussi retrouvé des monuments taillés dans la roche, dont des mausolées.
 
   Les murs qui entouraient la cité, étaient de type cyclopéen, solidement ancrés dans la roche ce qui leur donnaient de solides fondations. Du fait de la topographie du site, leur hauteur variait. Leur largeur était d’environ 3 m. et tout leur long ils étaient parsemées des tourelles défensives. La pierre des murs fut extraite en grande partie des carrières locales, mais elle provint aussi de blocs de basalte venant d’une région volcanique située de l’autre côté du lac. Certains blocs de pierre pesaient plus de 20 tonnes. Les bâtiments renfermés dans la citadelle, la forteresse en elle-même, étaient construit avec des briques séchées et s’élevaient à 20 m. de hauteur environ. La forteresse étant implantée sur les escarpements rocheux, les bâtiments qui la composaient se trouvaient à des niveaux différents. Ils étaient reliés entre eux par un réseau de cours et d’escaliers.

 

Bibliographie

 
   Pour d’autres détails sur l’Ourartou voir les ouvrages de :
 
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