Quelques  grandes  villes :
Éléphantine
 

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Sommaire
 

▪  Noms, localisation
▪  La religion dans la cité
▪  L’histoire
▪  Les sépultures
▪  Le monastère Saint-Siméon
▪  Le temple de Khnoum
▪  Les nilomètres d’Éléphantine
▪  Les papyri d’Éléphantines
▪  La communauté Juive et son temple
▪  Bibliographie

Vue du site

 

ou  Abou   ou   Yebu
 
Abou  ou  Yebu    Abw

 

Noms  et  localisation

 
   L’île/ville d’Éléphantine (En Grec : Ελεφαντίνη, en Égyptien : Abw Abou ou Yebu ou Yeb, en arabe : جزيرة الفنتين) est située sur le Nil, face à la ville d’Assouan, juste en aval de la Première cataracte. Elle constitue la dernière des îles qui forment la première cataracte du Nil. C’est une cité du 1er nome de Haute-Égypte, le nome "Du Pays de l’arc ou du Pays de Nubie" (tA-sty), dont elle fut un temps la capitale. Son emplacement marque la frontière entre le Sud de l’Égypte et la Nubie. L’île mesure environ 1.200 mètres (3.900 pieds), du Nord au Sud et est d’environ 400 mètres (1.300 pieds) de large en son point le plus large. Elle est aujourd’hui un quartier de la ville d’Assouan.


 

Autre vue du site

 
   Elle est entourée à l’Ouest par l’île Kitchener, occupée aujourd’hui dans sa totalité par un jardin botanique, au Sud par des îlots rocheux au milieu du Nil et à l’Est par la ville d’Assouan. Son nom, Abou, vient de "Ab" qui à deux significations : Éléphant et l’ivoire. Il semblerait d’après les textes anciens, que la ville fut un important centre de négoce de l’ivoire originaire d’Afrique. D’autres théories prétendent que l’île est nommée ainsi d’après sa forme, qui pourrait rappeler celle de défenses d’éléphant ?. C’est le sens du mot Grec elephas  elephas ou ελέφας. Son nom Égyptien ancien était Yeb.
 
   Éléphantine était aussi célèbre pour ses carrières de granit gris et rose (En face, à l’emplacement de la ville moderne d’Assouan) et en particulier pour la roche granitique appelée syénite d’où étaient extraits par exemple, les obélisques et les statues colossales que l’on trouvait dans toute l’Égypte. On voit encore, dans la roche d’origine, les traces des carriers qui y travaillaient il y a plus de 4000 ans. C’est aussi avec ces carrières que la ville va s’enrichir fournissant tout le pays en matériaux de construction.

 


 

Khnoum –
Musée du Louvre

La religion dans la cité

 
   La divinité majeure de la cité fut le Dieu Khnoum assisté de deux parèdres : Anoukis (ou Anouket), divinité associée à l’eau. Fille du Dieu , elle veillait sur le Roi et au bon déroulement de la crue du Nil ; et Satis (ou Satet), Déesse associée au Nil et à ses cataractes. Outre les quartiers d’habitation, la cité comprenait un quartier résidentiel pour le Nomarque, des greniers et un sanctuaire consacré à Satis dont la première construction remonte à la VIe dynastie (2321-2150).
 
   Satis était vénérée, depuis des temps reculés, comme une Déesse de la guerre et la protectrice de cette région stratégique de l’Égypte. Considérée aussi comme la Déesse de la fertilité, elle personnifiait l’inondation annuelle généreuse du Nil, qui fut identifiée comme étant sa fille, Anoukis. Plus tard, une fois la triade formée, Khnoum fut naturellement identifié comme le conjoint de Satis et, par conséquent, comme le père d’Anoukis. Khnoum tait un bélier divin qui régnait sur les eaux et on a retrouvé dans l’île une nécropole de bélier sacrés. Selon la mythologie Égyptienne, Éléphantine fut sa demeure.

 

L’histoire …….

 
   Les premières traces d’une occupation de l’île remontent au IVe millénaire. Des Artefacts datant de la Période Prédynastique (v.3500-v.3150) y ont été mis au jour. Une ville nommée Sunt (ou Sount, la ville des flots) y fut bâtie au Sud de l’île. Selon certains spécialistes elle servait déjà de "poste douanier" et de place d’échanges commerciaux avec le Sud. La cité d’Éléphantine qui la remplaça fut connue dans l’Égypte ancienne sous le nom de : Yeb ou Abou. L’île tout entière était un bastion qui protégeait la frontière entre l’Égypte et la Nubie. De part son emplacement naturel ce fut un excellent site défensif, qui en faisait un point de transit sûr pour les cargaisons commerciales du Nil.
 


 

Le cimetière des béliers sacrés de Khnoum

   Le site d’Éléphantine étant assez petit, les bâtisseurs successifs ont superposé leurs monuments. Les fouilles de ces dernières décennies ont permis de dater les débuts de son occupation en dégageant les ruines de la cité de l’Ancien Empire (2647-2150). Dès cette époque toutes les expéditions militaires vers la Nubie partirent de la cité. La "ville forteresse" était ceinte d’une imposante muraille en briques crues.
 
   Sous le règne du Roi Djoser (2628-2609), une famine ravagea le pays, les Prêtres du temple de Khnoum de la ville donnèrent au peuple toutes les richesses du Dodéchashène (Les 12 régions en amont) qu’ils gardaient et firent graver leur donation sur une stèle qui se trouve sur l’île de Sehel (À côté d’Éléphantine). À Éléphantine on a dégagé une petite pyramide qui ferait partie des nombreux cénotaphes à degrés du Roi Houni (2599-2575, IIIe dynastie). Celui-ci pourrait être aussi le bâtisseur d’une forteresse sur l’île. Lors de la VIe dynastie, le Roi Pépi I (2289-2255) se lança dans la colonisation de la Nubie. Il confia à Kar, le Nomarque d’Edfou, le titre de "Préposé à l’ouverture de la porte d’Éléphantine".
 
   Il reçut ainsi toutes les nouvelles des pays Nubiens et put, de ce fait, mener une politique d’expansion vers le Sud. Son fils, Mérenrê I (2255-2246) mena avec le chef des armées Ouni une expédition en Basse-Nubie afin de continuer la politique d’expansion vers le Sud. Dès les premières années de son règne, il remonta jusqu’à Éléphantine où il reçut les hommages des chefs Nubiens. Le Gouverneur d’Éléphantine, Herkhouf (ou Harchouf), mena trois expéditions dans le pays de Yam (ou Jam) au Soudan, d’où il rapporta beaucoup de marchandises en Égypte qui transitèrent par la ville lui apportant richesses. Le Roi assura par ailleurs la mise en place et la sécurité de la route commerciale entre le pays de Yam et Éléphantine, en envoyant en émissaire, le Nomarque Iri et son fils. À la fin de l’Ancien Empire, les différents Rois renforcèrent le pouvoir des Nomarques.
  


 

Autre vue de l’île

   Ces grands Seigneurs arrivèrent à s’émanciper et des nomes prirent même une telle importance que les ambitions du Nomarque régnant menèrent à la chute du Roi. On assista aussi très souvent à des conflits guerriers entre nomes voisins. Particulièrement pendant la Première Périodes Intermédiaires (2140-2022) où divers Nomarques usurpèrent la couronne. Certains d’entre eux finirent par former de véritables dynasties locales très fortes régnant en pleine indépendance, surtout dans le centre et le Sud du pays. L’exemple le plus connu est celui du Nomarque de Hiérakonpolis (ou Nekhen), Ânkhtyfy, sous le règne de Néferkarê VII (v.2130, IXe dynastie) qui se proclama "Grand chef" de son nome et conclu une alliance avec le Nomarque d’Éléphantine (Abou à l’époque) pour aller combattre les Thébains (Ouaset à l’époque) et Coptos (Qift à l’époque).
 
   Au Moyen Empire (2022-1650) des constructions furent ajoutées sur l’île. On a retrouvé les vestiges (Sculptures, inscriptions etc…) du passage de souverains datant des XIe dynastie (2134-1991) et XIIe dynastie (1991-1783). Le premier à laisser son emprunte dans la cité fut Antef II (2118-2069) de la XIe dynastie, qui reprit des territoires aux Rois Héracléopolitains de la Xe dynastie et étendit sont royaume jusqu’à Éléphantine qu’il fortifia. Un de ses successeurs, Montouhotep II (2061-2010/09) y fit ériger un fort.
 
   Amenemhat I (1991-1962, XIIe dynastie) contesté dans sa légitimité, confia la plupart des postes clef du royaume à des personnes de confiance et nomma des nouveaux Nomarques à Assiout, Cusae et Éléphantine. Son fils et successeur, Sésostris I (1962-1928) fit bâtir une chapelle dédiée à Satis. Sésostris II (1895-1878), de la même dynastie, mit fin au pouvoir des Nomarques en plaçant l’autorité du pays sous le contrôle du Vizir, responsable de trois ministères : Le Nord, le Sud et la Tête du Sud, ce denier regroupait Éléphantine et la Basse Nubie. Tout au long de l’Ancien et du Moyen Empire (2022-1650) la ville fournit l’essentiel des contingents expéditionnaires qui partaient en Nubie.


 

Autre vue du site

 
   Grâce aux fouilles du début du XXe siècle on a pu mettre au jour des chapelles sous le temple de Khnoum. On sait que certaines furent rénovées au Moyen Empire. Une d’elles, fut dédiée à Pepynakht Héqaïb (ou Hekaib), qui était un puissant Nomarque de la ville de la fin de la IVème dynastie, divinisé pour ses bonnes actions durant sa vie, il posséda un tombeau sur l’île (N°35). Au cours de la Deuxième Période Intermédiaire (v.1650-1550), le fort d’Éléphantine marqua la frontière Sud de l’Égypte. On retrouva des traces de quelques Rois de cette période : Une statue d’Amenemhat Sénébef (1780-1777 – XIIIe dynastie) dans le temple de Khnoum et deux statues de Sahathor (ou Sahoutor, v.1713 – XIIIe dynastie) dans la chapelle de Pepynakht Héqaïb.
 
   Des Rois Kouch (Soudan), régnant en Basse Nubie, profitèrent de la confusion de cette période et annexèrent des provinces de Haute-Égypte. Dès la XVIe dynastie (1652?-1540) ils installèrent leur capitale à Bouhen et règnent d’Éléphantine à la Deuxième Cataracte. Ce ne fut qu’à la fin de la XVIIe dynastie (1625-1549) que le Roi Kouch Nedjeh, malgré son alliance avec les Hyksôs perdit la cité lorsque le Roi Kamosé (1553-1549) s’empara de Bouhen et récupéra la Haute-Égypte.
 
   Avec le riche Nouvel Empire (1549-1080) et ses Rois bâtisseurs, Éléphantine se vit doter de nombreuses constructions. Ainsi seront notamment érigés : Un temple dédié au Dieu Khnoum, un temple périptère qui est attribué à la Reine Hatchepsout (1479-1457), un temple dédié à Anoukis, attribué à Thoutmôsis III (1479-1425)ainsi qu’un kiosque de même style datant du règne d’Amenhotep III (1390-1353/52). Avec le temps, la ville grossit et fusionna avec Assouan, une cité plus récente sur la rive orientale du Nil en face de l’île Éléphantine, devenant la Syène des derniers temps de l’Égypte pharaonique. Les temples de Thoutmôsis III et Amenhotep III seront complètement détruits en 1822 par le gouvernement Ottoman, pour faire de la place à l’industrie naissante de l’Égypte moderne, anéantissant de la sorte cette partie de l’histoire de l’île, ce qui est d’une rare stupidité.
  


 

L’obélisque inachevé
de la carrière face à Éléphantine

   Le plus rageant pour les archéologues et historiens c’est que les deux temples étaient relativement intacts avant la démolition délibérée. Lors des tumultes de la Troisième Période Intermédiaire (1080-656), le Roi de Napata Kachta (760-747, XXVe dynastie) se fit reconnaître comme Pharaon à Éléphantine. Les Rois Kouchites furent repoussés par l’invasion Perse (XXVIIe dynastie, 525-401). Éléphantine, de par sa position géographique, résista mieux que les autres cités du pays et servit même de refuge aux notables qui fuyaient la Basse-Égypte et le Delta.
 
   La majeur partie de la période suivante, lors des XXVIIIe dynastie (404-399) et XXIXe dynastie (399-380), n’est connue que grâce aux papyri en démotique du musée de Brooklyn retraçant les chroniques Araméennes de la communauté Juive d’Éléphantine. Par exemple, on sait par leur lecture, qu’Amyrthée (404-399), seul Roi de la XXVIIIe dynastie, chassa les Perses et reprit rapidement le contrôle de tout le pays. En moins de quatre ans, son pouvoir fut reconnu jusqu’à Éléphantine et Assouan. Les papyri nous informent que le Roi Perse, Artaxerxès II est identifié comme Roi d’Égypte jusqu’en Septembre 400.


 

Autre vue du site

 
    Le calme plus ou moins revenu, les Pharaons suivants rebâtirent dans le pays. Achôris (393-380 – XXIXe dynastie) laissera des constructions importantes dans la cité. Le dernier Pharaon de la période dynastique à bâtir sur l’île fut Nectanébo I (380-362, XXXe dynastie) qui reconstruisit entièrement le temple de Khnoum.
 
   Puis la cité suivit l’histoire de celle d’Assouan, dont elle devint un important quartier qui continua de se développer à l’époque Ptolémaïque (305-30). De cette période, il reste un temple consacré à la Déesse Isis, ainsi qu’un nilomètre au pied du temple. La ville fut le siège d’une importante colonie Juive. On pense que celle-ci fut probablement fondée autour de 650 av.J.C, lors du règne du Roi de Juda, Manassé (ou Manassès ou Menasheh, 697-642), d’abord comme une installation militaire, afin d’aider le Pharaon Psammétique I (664-610) dans sa campagne en Nubie.
 
   Cette communauté, au fil des ans, nous a laissé une vaste documentation. Des papyri Araméens de cette époque, témoignent de son existence dans la ville et le fait qu’elle possédait son propre temple consacré à Yahvé. En cours de fouilles par l’Institut Allemand d’archéologie, la ville apporte de nombreuses découvertes régulières qui sont maintenant exposées dans le musée situé sur l’île, y compris un bélier de Khnoum momifié.

 


 

Vue du sanctuaire de Pepynakht Héqaïb

Les sépultures

 
   La nécropole d’Éléphantine remonte aux premières dynasties. Elle était destinée aux Princes gouvernants, les Nomarques, qui résidaient dans l’île et dont les sépultures rupestres depuis l’Ancien Empire (2647-2150), plus précisément celles de la VIe dynastie (2321-2150), jusqu’au Moyen Empire (3022-1650), plus précisément la XIIe dynastie (1991-1783), se trouvent creusées dans le flanc de la colline qui borde la rive Ouest du Nil.
 
   Les plus célèbres sont : Le tombeau double de Sabni (N° 25) et de Mekhou (N° 26) de la VIe dynastie ; Le tombeau de Sarenpout II (N° 31) : Le tombeau de Pepynakht Héqaïb (ou Hekaib – N° 35), puissant Nomarque de la ville de la fin de la IVème dynastie ; Le vaste tombeau de Sarenpout I (N° 36) de la XIIe dynastie qui est particulièrement remarquable, il est comparable aux tombes rupestres de Béni Hassan, au Sud de Al Minya sur la rive droite du Nil.

 

   Ce sont des hypogées (Tombes souterraines) comme celles dans la vallée des Rois). Ces tombes sont parfois composées de vastes chambres soutenues par des piliers ou des colonnes, comme le tombeau double de Sabni et de Mekhou. Depuis la berge du Nil, des rampes d’accès menaient à ces tombeaux où sont encore conservés quelques bas-reliefs.
 

Le monastère Saint-Siméon

 
   Au sommet du plateau, à l’Ouest des tombeaux des Nomarques, face à l’île, se trouve le monastère de Saint-Siméon (Deir Amba Samaan), fondé au VIIIe siècle ap.J.C. C’est l’un des plus importants monuments d’Égypte de l’époque Chrétienne. C’était une construction fortifiée. Elle était ceinte par un très large mur en pierre dans sa partie inférieure et en brique dans sa partie supérieure, d’une hauteur de 6 à 7 mètres par endroit. À l’intérieur de l’enceinte, le monastère se compose de trois terrasses irrégulières. Sur celle inférieure se trouve une église à trois nefs. Les autres corps de bâtiments comportent des cellules et des salles qui servaient d’écuries, de magasins, de cuisines, de pressoir à olives et à d’autres installations domestiques. Le monastère fut semble t-il abandonné au XIIe siècle.
 


 

Vue du temple de Khnoum

Le temple de Khnoum

 
   On retrouve les premières traces de construction d’un temple dédié au Dieu Khnoum dès la IIIe dynastie (2647-2575). La grande partie de la pointe Sud de l’île est occupée par les ruines d’un temple qui lui sera dédié plus tard ainsi qu’à la triade par le Roi Amenhotep III (ou Aménophis III, 1390-1353/52 – XVIIIe dynastie). Ce temple aurait été restauré et agrandi, toujours au Nouvel Empire (1549-1080), sous le Pharaon Ramsès II (1279-1213 – XIXe dynastie) et au début de la Basse Époque (656-332) par le Pharaon Osorkon II (874-850 – XXIIe dynastie). Ces derniers travaux étant supervisé par le vice-Roi de de Kouch (Son petit-fils).
 
   Détruit, à l’époque tardive le temple fut entièrement reconstruit, au cours de la XXXe dynastie par le Pharaon Nectanébo I (380-362), Juste avant la domination étrangère. Il sera de nouveau reconstruit sous la Période Ptolémaïque (305-30). On peut voir les vestiges de la salle hypostyle, longue de 33 mètres. Cet édifice, d’admirables proportions, fut détruit sous Mehemet-Ali (XVIIIe siècle). Il est aujourd’hui en cour de restauration.

 

Les nilomètres d’Éléphantine

 
   Il ya deux nilomètres sur l’île Éléphantine qui ont été mis au jour par des archéologues Allemands. C’était des dispositifs pourvus de graduations, qui servaient à mesurer la crue du Nil. Le début de la crue correspondait à la date fixée pour le début du calendrier. Cette mesure était une des tâches importantes du Nomarque de l’île. De l’amplitude de la crue, surveillée grâce aux nilomètres, dépendait la qualité des récoltes. Une crue trop importante pouvait créer des dégâts dans le système d’irrigation, au contraire une crue trop faible diminuait la surface de terre qui pouvait être cultivée. Le nilomètre pouvait donc aussi servir à fixer le montant des impôts. Ils étaient étalonnés à l’aide d’une unité de mesure appelée, la coudée.


 

Un des nilomètres

 
   Le nilomètre sur l’île Éléphantine, était d’une grande importance car près de la première cataracte il était le premier avant-poste où les inondations se déployaient et, de ce fait, le premier à savoir quand elles allaient se terminer. Les premières traces d’un nilomètre remontent à la VIIe dynastie (2140-2130 ?), mais ce fut cours de la XIe dynastie (2134-1991), qu’un sanctuaire fut érigé sur l’île afin de célébrer les inondations. Ce nilomètre fut remplacé par un beaucoup plus au bord du temple de Khnoum au cours de la XXVIe dynastie (664-525). Ce serait lors de la XXXe dynastie qu’une terrasse et un nouveau nilomètre au bord de la rivière furent ajoutés au temple de Satis. Enfin, ce fut lorsque l’Égypte tomba sous la domination Romaine qu’il fut modifié pour la dernière fois.
 
   C’est un des plus célèbres nilomètres d’Égypte. Il consiste en long corridor-escalier coudé en pierre de 90 marches plongeant dans le fleuve, recouvert en partie par un toit de granit qui est rattaché au temple de Satis. Le long du nilomètre des niches creusées dans le mur abritaient des lampes à huile pour éclairer les marches. Sur les murs, des échelles graduées servaient à relever le niveau de la crue. On a relevé sur les parois des indications qui marquaient le niveau des crues les plus importantes qui eurent lieu entre le règne de l’Empereur Auguste (av.J.C-14 ap.J.C) et celui de l’Empereur Septime Sévère (193-211).
  
   Le deuxième nilomètre, sûrement le plus ancien, est un bassin rectangulaire relié au fleuve par un conduit souterrain rattaché lui au temple de Khnoum. L’un des deux nilomètres est mentionné par Strabon (Historien et philosophe Grec, 63 av.J.C -23 ap.J.C – Livre XVII, 1), mais on ne sait pas avec certitude lequel. On pense que, d’après sa description, il s’agit de l’escalier.

"Le nilomètre est un puits construit en pierres bien équarries dans lequel sont faites des marques indiquant les crues du Nil, car l’eau dans le puits monte et s’abaisse avec celle du fleuve…..".

Plusieurs sources affirment que le légendaire Puits d’Eratosthène, célèbre pour le calcul de la circonférence de la Terre par Eratosthène (v.276-v.194), était situé sur l’île.


 

Le calendrier d’Eléphantine – Musée du Louvre

 
   Strabon mentionne qu’il y avait un puits particulier qui était utilisé pour observer que Syène se trouve sur le tropique du Cancer, mais il fait référence à un puits dans Syène (ou Assouan) et non sur Éléphantine. Aucun des nilomètres sur Éléphantine, pourrait être adapté à cette utilisation et le puits de Syène est apparemment perdu. Le nilomètre d’Éléphantine est le plus ancien d’Égypte mais aussi celui qui aura eu la plus longue utilisation, puisque encore utilisé au XIXe siècle ap.J.C. Le début de la crue correspondait à la date fixée pour le début du calendrier. Le "calendrier d’Éléphantine", la fête célébrant la nouvelle année, correspondait donc au jour de cette crue annuelle.
 
   Le "Calendrier d’Éléphantine", conservé au musée du Louvre et découvert par l’égyptologue Français Auguste Edouard Mariette en 1851, est gravé sous le règne du Roi Thoutmôsis III (1479-1425) vers 1450. Il indiquait les offrandes à faire aux Dieux chaque année le jour du lever héliaque de l’étoile Sothis (ou Sirius, Sothis est le nom Grec de la Déesse Égyptienne, Sopdet ou Sôpdit), qui a lieu le 19 juillet selon le calendrier actuel. C’est un des rares calendriers connus du pays dont on ait retrouvé des fragments.

 

Les papyri d’Éléphantine

 
   La ville d’Éléphantine fut le siège d’une importante colonie Juive qui nous a laissé une vaste documentation de papyri, dont les plus anciens datent du début de son installation. Ils témoignent de son existence dans la cité et le fait qu’elle possédait son propre temple consacré à Yahvé. Cette collection de "manuscrits" s’est conservée grâce au climat sec de Haute-Égypte. Elle représente les documents contenus dans les forteresses frontières d’Éléphantine et Assouan (ou Syène). Ces centaines de papyri d’Éléphantine sont écrit en hiératique, en Démotique, en Araméen, en Grec, en Latin et en Copte. Ils couvrent une période de 1000 ans.


 

Graduations sur les parois du nilomètre

 
   Des documents juridiques frappés d’un sceau de lettres ont survécu mais ils se sont malheureusement retrouvés sur le marché parallèle des antiquités à partir de la fin du XIXe siècle et ont été dispersés en plusieurs collections occidentales. Bien que certains fragments de papyri soient beaucoup plus anciens, le plus grand nombre, qui est écrits en Araméen, datent de la période de domination de l’Empire Perse sur l’Égypte. Ils ont été rédigés, pour leur grande partie, par la communauté Juive des soldats avec leur famille stationnés à Éléphantine, dans la garnison chargée de surveiller la frontière Sud de l’Égypte sous cette domination Perse, de vers 495 à 399. Les documents comprennent : Des lettres d’Éléphantine, des contrats juridiques des familles et d’autres archives comme des documents de divorce, l’affranchissement des esclaves etc..
 
   Ils sont une source précieuse pour notre connaissance à cette époque, du droit, de la société, de la religion, de la langue et l’onomastique (Science de l’étymologie des noms propres). Leur étude a parfois été étonnamment révélatrice. Cependant ils ne permettent pas précisément de savoir à quelle date les premiers soldats Judéens arrivèrent en Égypte. Deux hypothèse sont avancée : Soit vers 650, sous le Pharaon Psammétique I (664-610), soit sous le règne d’un de ses successeurs, Apriès (589-570), qui aurait organisé leur venue en 587 au moment de la chute de Jérusalem.
 
   Esdras (Grand Prêtre des Juifs en 398 av.J.C) et Néhémie, Échanson du Roi Perse, Artaxerxès I (465-424), souhaitaient resserrer les liens des Juifs de Jérusalem avec la communauté Juive d’Éléphantine. Un document, appelé le "papyrus Pascal" (ou "lettre de Pâque du Roi Darius II"), qui date de 419, est un témoignage de ce fait. Il s’agit d’une lettre adressée à Yédonyah, le neveu de Mibtahyah, par Hananyah, qui est peut-être le frère de Néhémie. Cette lettre, découverte en 1907, demande qu’à Éléphantine soit désormais respectée la célébration de la Pâque et la fête des Azymes, à la date fixe du 15 au 21 du mois de Nissan, comme à Jérusalem et non plus une date locale qui était liée au début des moissons.
  


 

Ruines de l’époque Ptolémaïque et Romaine

   Le papyrus donne, de plus, des instructions très détaillées pour bien préparer cette fête. Il est aujourd’hui au musée égyptien de Berlin. D’autres papyri d’Éléphantine sont au Brooklyn Museum. La découverte des papyri du Brooklyn Museum est une remarquable histoire en elle-même. Les documents ont d’abord été acquis en 1893 par un journaliste New Yorkais, Charles Edwin Wilbour. Après être resté dans un entrepôt pendant plus de 50 ans, les papyri furent expédiés au ministère Égyptien du musée de Brooklyn. C’est à cette époque que les chercheurs réalisèrent finalement l’importance des papyri que Wilbour avait acquis.
 
   Edités par Arthur Ernest Cowley (Aramaic papyri of the fifth century B.C., Oxford) en 1923 et 1932, puis par Pierre Grelot (Documents araméens d’Égypte, Paris) en 1972, ces papyri ont fait l’objet de diverses études dont, récemment celles qui ont donné lieu à un livre détaillé de Joseph Modrzejewski (ou Joseph Mélèze-Modrzejewski). Une traduction en Araméen de l’inscription du mont Behistun, décrivant les conquêtes du Roi Perse, Darius I (522-486), en trois langues : Persan, Élamite et Akkadien, fait partie des documents. Le récit sur Darius I date de 522 à 520, la version en Araméen du papyrus d’Éléphantine est une copie plus tardive, sûrement faite sous le Roi Darius II (423-404).

 


 

Autre vue du sanctuaire de Pepynakht Héqaïb

La communauté Juive et son temple

 
   Les Papyri d’Éléphantine, écrits en Araméen, attestent d’une communauté Juive sur l’île, qui avec le temps deviendra très importante. La date exacte d’arrivée de ces premiers colons Judéens, avec peut-être un mélange de Samaritain, est encore sujette à discussion, car les papyri ne permettent pas précisément de la situer. Certains spécialistes pensent que la colonie fut probablement fondée, d’abord comme une installation militaire, autour de 650 av.J.C, lors du règne du Roi de Juda, Manassé (ou Manassès ou Menasheh, 697-642), qui envoya un contingent de militaires, avec leur famille, afin d’aider le Pharaon Psammétique I (664-610) dans sa campagne en Nubie.
 
   Pour d’autres, il semble établi que ce fut le Pharaon Apriès (589-570), qui organisa leur venue en 587 au moment du siège de Jérusalem où de sa chute le 29 juillet 586 devant les troupes du Roi de Babylone Nabuchodonosor II (605-562). Les Juifs vont bâtir leur propre temple dédié à Yahvé (ou Maison de l’Éternel) qui va fonctionner parallèlement avec celui de Khnoum, témoignant du côté polythéiste des croyances dans la cité. La communauté va se maintenir dans l’île et garder son temple même sous l’occupation Perse. Cependant, au fil du temps, les relations entre les Prêtres des différentes religions vont se dégrader. En410 une révolte éclata contre le temple Juif. Elle fut fomentée par les Prêtres Égyptiens de Khnoum qui demandèrent à Vidranga, le Gouverneur Perse d’Éléphantine, en échange d’argent et de biens, de faire disparaître le temple Juif. Ce dernier confia la mission à son fils Nafaïna, qui était le chef de la garnison de la forteresse d’Assouan. Nafaïna conduisit des Égyptiens, avec d’autres militaires, dans le sanctuaire.
 


 

Dessin du temple 1798-1801 par Charles Louis Balzac

   Ils pillèrent et détruisirent entièrement le temple, ils emportèrent notamment des bassins d’or et d’argent. Ils s’en prirent au bâtiment et aux biens, mais pas physiquement aux religieux. Les Prêtres Juifs, ou des subordonnés, pratiquèrent alors des représailles et les exécutants, ainsi que Vidranga, furent éliminés. Toutefois les Prêtres Égyptiens de Khnoum, ne furent pas inquiétés, car ils n’étaient que les provocateurs de la révolte et non les acteurs, peut-être aussi par solidarité entre religieux.
 
   Un des papyri trouvés, une lettre écrite en 407 par Jédonyah (ou Yédonyah) un Prêtre Juif du temple d’Éléphantine, nous renseigne très clairement sur ces faits et sur une première requête faite par la communauté à Yahôhanan, le Grand Prêtre Juif du temple de Jérusalem, lui demandant de l’aide pour reconstruire le temple Juif d’Éléphantine endommagé par le groupe antisémite, mais cette demande resta sans réponse.
 
   Ce papyrus est conservé aujourd’hui au Staatliche Museem à Berlin. Un an plus tard une deuxième demande à l’aide fut faite auprès de Bagoas (ou Bagôhi), le Satrape Perse de Judée et Sanballât I (ou Sanballât le Horonite ou Sinballidh ou Sin’uballit) un Samaritain Satrape de Samarie. Ces derniers demandèrent alors à Arshama, le Satrape MédoPerse d’Égypte d’autoriser la reconstruction du temple à l’identique, mais la réponse, si elle existe, est inconnue.

 

Bibliographie

 
   Pour d’autres détails sur la cité et ses monuments voir les ouvrages de :
 
Arthur Ernest Cowley :
Aramaic papyri of the fifth century B.C., Clarendon Press, Oxford, 1923.
Detlef Franke :
Das Heiligtum des Heqaib auf Elephantine. Geschichte eines Provinzheiligtums im Mittleren Reich, DAIK Abt, AIUH, Le Caire, Janvier 1994.
Pierre Grelot :
Documents Araméens d’Egypte, Editions du Cerf, Paris, 1972.
Labib Habachi :
A group of unpublished old and middle kingdom graffiti on Elephantine, Orientalische Institut, Vienna, 1957.
Werner Kaiser :
Stadt und tempel von Elephantine erster grabungsbericht, DAIK, Le Caire, 1970 et 1972 – Akademieverlag, Berlin, 1974.
Elephantine : Die antike stadt, MDAIK, Le Caire, Mainz, 1998.
Joseph Modrzejewski (Joseph Mélèze-Modrzejewski), Shayne J.D.Cohen et Robert Cornman :
Les Juifs d’Egypte de Ramsès II à Hadrien, PUF, Paris, 1991 – Collection : Quadrige, Paris, 1997 – Collection : Civilisations U, Armand Colin, Paris, Février 1997 – En Anglais, The Jews of Egypt : From Rameses II to Emperor Hadrian, Princeton University Press, Octobre 1997.
Richard Antony Parker :
Some considerations on the nature of the fifth-century Jewish calendar at Elephantine, Journal of Near Eastern Studies, University of Chicago, 1955.
Bezalel Porten :
Archives from Elephantine; the life of an ancient Jewish military colony, University of California Press, Berkeley, 1968.
– The religion of the Jews of Elephantine in light of the Hermopolis papyri, pp. 92-94, Journal of Biblical Literature 89, N°1, Mars 1970.
Il y a beaucoup d’autres ouvrages de cet auteur sur la ville, voir : www.worldcat.org – Bezalel Porten
Ian Shaw :
The Oxford history of ancient Egypt, Oxford University Press, Collection: Oxford Illustrated Histories, New York, Mars 2000, Mars 2002 et Octobre 2003.
Drei neue stelen des mittleren reiches von Elephantine, pp : 15-34, MDAIK 57, Le Caire, Mainz, 2001.
Albin Van Hoonacker :
Une communauté Judéo-araméenne à Éléphantine, en Égypte aux VIe et Ve siècles av. J.-C., Publication for the British Academy by H. Milford, Londres, 1915.
Karl-Theodor Zauzich :
Papyri von der Insel Elephantine, Demotische Papyri aus den Staatlichen Museen zu Berlin, Lieferung 1, Akademie-Verlag, Berlin, 1978.

 

 

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