Les grandes batailles de l’antiquité :
Bataille  de  Tigranocerta –
Bataille  d’Harran
 

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                 Bataille  de  Tigranocerta 06 Oct. 69

 

Présentation

 
   La bataille de Tigranocerta (ou Tigranakert, en Arménien : Տիգրանակերտի ճակատամարտը) se déroula le 06 Octobre 69 av.J.C. Elle eut lieu près de Tigranocerta (ou Tigranakert ou Tigranocerte ou Tigranakert, en Arménien : Տիգրանակերտ, en Latin : Tigranocerta, en Grec : Τιγρανόκερτα), dont la situation exacte est toujours débattue aujourd’hui. Ce fut une confrontation entre les forces de la république Romaine dirigées par le Consul Lucius Licinius Lucullus (115-v.57) et celles du royaume d’Arménie dirigées par le Roi Tigrane II le Grand (95-54). Elle vit la victoire des Romains et Tigrane II perdit sa capitale. La bataille se déroula dans le cadre de la guerre dite : Troisième Guerre de Mithridate, conflit entre le Roi du Pont Mithridate VI (120-63) et la république Romaine. Tigrane II était allié à Mithridate VI, il avait épousé sa fille Cléopâtre du Pont. Mithridate VI en fuite face aux Romains avait trouvé refuge auprès de son gendre et comme ce dernier refusait de le livrer, Rome envahit l’Arménie.
 


 

Statue de Tigrane II –
Erevan

Le contexte

 
   L’expansion du Roi d’Arménie Tigrane II le Grand au Proche-Orient conduisit à la création d’un Empire Arménien qui s’étendait presque dans toute cette région. Avec son beau-père et allié, le Roi du Pont Mithridate VI, qui protégeait le flanc Ouest de son Empire, Tigrane II fut capable de conquérir des territoires en Parthie, en Mésopotamie et annexer des terres du Levant. En Syrie, il commença la construction de la ville de Tigranocerta (ou Tigranakert), inspirée de son nom, et y importa une multitude de peuples, y compris des Arabes, des Grecs et des Juifs, pour la peupler. La ville devint rapidement la capitale du Roi en Syrie et prospéra comme un grand centre de la culture Hellénistique, avec des théâtres, des parcs et des terrains de chasse. Cette période d’hégémonie Arménienne dans la région, cependant, arrivait à sa fin avec une série de victoires Romaines dans les guerres que ces derniers livraient à son beau-père, dites Guerres de Mithridate, notamment la dernière, la Troisième Guerre de Mithridate (74-63).
 
   Les frictions entre les deux parties existaient donc depuis plusieurs décennies, bien que ce fut au cours de cette Troisième Guerre de Mithridate que les armées Romaines, sous le Consul Lucius Licinius Lucullus, prirent le dessus significativement sur le Roi du Pont. Mithridate VI échappa de justesse aux cavaliers Galates, alliés aux Romains, lancés à sa poursuite. Il se réfugia alors dans une forteresse d’Arménie chez son gendre et assista impuissant au pillage des villes de son littoral : Amisos et Héraclée du Pont tombèrent en 71, Sinope fut prise en 70. Après la prise de Cabira, le Consul Lucius Licinius Lucullus envoya un ambassadeur nommé Appius Claudius à Antioche pour exiger au Roi d’Arménie l’extradition de Mithridate VI. Une telle trahison était impossible pour Tigrane II et il refusa de livrer le Roi du Pont aux Romains. Tigrane II aurait répondu : "Si j’acceptais de livrer le père de mon épouse le monde entier et ma conscience me condamneraient".
 
   Les Romains, en représailles, envahirent son Empire. En 69, les forces Arméniennes furent obligées de se retirer de Damas pour faire face à l’attaque des Romains de la cité, permettant à son Roi Arétas III Philhellène (85-62) de reprendre la ville. En Syrie, à Séleucie du Tigre à l’été 69, Tigrane II fit exécuter Cléopâtre V Sélène I, la mère du Roi Séleucide, Antiochos XIII Dionysos Philopator (83-64). Début Octobre de la même année Antiochos XIII sera rétablit sur son trône par Lucullus. La date de décès de Cléopâtre V fut déduite indirectement par les auteurs antiques (Flavius Josèphe et Plutarque) qui signalent que Tigrane II avait assiégé Cléopâtre V dans Acre (ou Akko ou Ptolémaïs), mais dès qu’il prit la ville, il fut contraint de retourner en Arménie pour faire face à Lucullus qui envahissait son royaume. En effet, à l’été 69, Lucullus fit marcher ses troupes à travers la Cappadoce et entra dans la province Arménienne où se trouvait Tigranocerta. Les Romains poursuivirent leur avancée et début Octobre, Tigrane II perdit le contrôle de Séleucie du Tigre et de la Syrie et ils se tournèrent vers Tigranocerta.
 
   Le Général et Consul Romain Lucius Licinius Lucullus et son armée progressèrent si rapidement en Arménie qu’ils surprirent Tigrane II qui résidait à Tigranocerta à l’été 69. Incapable de faire face à cette réalité rapidement, le Roi envoya trop tardivement son Général Mitrobarzanès (ou Mithrobarzanes), avec 2.000 à 3.000 cavaliers pour ralentir la progression de Lucullus, mais ses forces furent écrasées et dispersées par les 1.600 cavaliers Romains dirigée par Sextilius, l’un des légats servant sous Lucullus. Lorsqu’il apprit la défaite de Mitrobarzanès (ou Mithrobarzanes), Tigrane II confia la défense de sa ville à Mancaeus (ou Macaeus) et il partit pour recruter une force de combat dans les montagnes du Taurus.
 
   Néanmoins, des forces de l’armée de Lucullus arrivèrent à perturber les deux détachements distincts qui soutenaient Tigrane II et même engagèrent les troupes du Roi dans un canyon des monts Taurus. Lucullus, cependant, choisit de ne pas poursuivre Tigrane II car il avait le chemin libre vers Tigranocerta vers laquelle il avança et commença à mettre à mettre le siège. Bien que Tigranocerta était encore une ville inachevée lorsque Lucullus y fit le siège, la ville était déjà lourdement fortifiée et selon Appien d’Alexandrie (Historien Grec, 90-v.160), elle avait d’épais et imposants murs qui se dressaient à 25 m. de haut, offrant une formidable défense contre un siège prolongé. Les engins de siège Romains utilisés pour la ville furent effectivement repoussés par les défenseurs par l’utilisation de naphta (Mélanges d’hydrocarbures liquides inflammables), qui, selon Warwick Ball, fut la première fois que l’on en utilisa dans l’histoire.

 


 

Gravure d’un buste en marbre
traditionnellement attribué à
Lucullus – Musée de l’Ermitage

Photo avant retouches : Wikipédia

Les forces

 
   Cependant, la loyauté de la population de Tigranocerta n’avait jamais été testée depuis que Tigrane II avait expatrié beaucoup de ses habitants de leurs terres indigènes pour peupler la cité et son allégeance au Roi était mise en doute. Ils prouvèrent rapidement leur fiabilité lorsque le souverain et son armée apparurent sur une colline surplombant la ville. Les habitants saluèrent son apparition avec cris et fracas, et, debout sur les murs, menacèrent les Romains. Appien d’Alexandrie prétend que Lucius Licinius Lucullus était parti de Rome avec une seule légion, en entrant en Anatolie pour faire la guerre à Mithridate VI il y ajouta quatre autres légions.
 
   La taille globale de cette force était composée de 30.000 fantassins et 1.600 cavaliers. À la suite de la retraite en Arménie de Mithridate VI, Appien d’Alexandrie estime la force d’invasion de Lucullus à seulement deux légions et 500 cavaliers, mais il est hautement improbable que le Romain aurait entrepris l’invasion de l’Arménie avec une si petite armée. L’historien Adrian Sherwin-White met la taille de la force de Lucullus à 12.000 légionnaires chevronnés (Composé en trois légions) ; 4.000 cavaliers et de l’infanterie légère. L’armée Romaine fut encore renforcée par plusieurs milliers d’hommes d’infanterie et de cavalerie alliés, des Galates, des Thraces et des Bithyniens.
 
   L’armée de Tigrane II était clairement en supériorité numérique sur celle de Lucullus. Selon Appien d’Alexandrie, elle comptait 250.000 fantassins et 50.000 cavaliers. De nombreux chercheurs cependant doutent que ces chiffres reflètent fidèlement le nombre réel de l’armée Arménienne et pensent qu’ils furent très largement gonflés par l’auteur. Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste Grec, 46-v.125) écrivit que le Roi considérait que l’armée de Lucullus était beaucoup trop petite, et, la voyant il aurait dit : “S’ils viennent en tant qu’Ambassadeurs, ils sont en trop grand nombre, si ce sont des soldats, ils sont trop peu", même si certains ont exprimé des doutes sur la véracité de cette citation. Tigrane II possédait également plusieurs milliers de cataphractaires, formidable cavalerie lourdement blindée avec armures, lances ou arcs, utilisée dans les guerres antiques.

 

Le déroulement

 
   Les deux armées convergèrent vers une rivière légèrement au Sud-ouest de Tigranocerta. L’armée de Tigrane II se plaça sur la rive Est tandis que le Consul Lucius Licinius Lucullus, qui avait laissé une arrière-garde pour continuer le siège de la ville, rencontra l’armée Arménienne sur la rive Ouest. Cette dernière était formée de trois sections. Deux des vassaux de Tigrane II conduisaient les flancs gauche et droit, tandis que le Roi et ses cataphractaires occupaient le centre. Le reste de son armée se tenait en face d’une colline que Lucullus allait exploiter. Les chefs des troupes Romaines tentèrent d’abord de dissuader Lucullus de se livrer au combat. En effet le jour du 6 Octobre marquait la désastreuse bataille d’Orange, défaite essuyée par l’armée Romaine face aux Cimbres et aux Teutons (Le 6 octobre 105, à proximité d’Arausio ou Orange). Ignorant les croyances superstitieuses de ses troupes, Lucullus aurait répondu : “En vérité, je vais faire aussi de cette journée, une journée chanceuse pour les Romains”.
 
   Ross Cowan et Adam Hook suggèrent que Lucullus aurait déployé les Romains sur une seule ligne, rendant ainsi la face de l’armée aussi large que possible. Il fit ensuite faire mouvement à plusieurs de ses troupes, là où la rivière était le plus facile à gué, laissant l’impression à Tigrane II que ce mouvement signifiait qu’il se retirait du champ de bataille. En fait Lucullus avait décidé de faire d’abord attaquer en courant son infanterie légère, une tactique militaire Romaine qui minimisait le temps pendant lequel un ennemi pouvait utiliser ses archers avant le combat rapproché. Cependant, à la dernière minute, il réalisa que les cataphractaires Arméniens étaient une plus grande menace pour ses hommes. Il ordonna à la place une attaque de diversion avec sa cavalerie Galate et Thrace contre ceux-ci. Pendant que les cataphractaires étaient de ce fait occupés par l’attaque, Lucullus forma deux cohortes et leur ordonna de se diriger sur le gué de la rivière pour la traverser.
 
   Son objectif était de déborder Tigrane II et les cataphractaires en attaquant le reste de l’armée Arménienne qui était flanqué derrière la colline, grimper au sommet et attaquer le Roi par l’arrière. Lucullus mena personnellement la charge à pied et en atteignant le sommet de la colline, il cria à ses soldats pour soutenir leur moral : “Ce jour est le nôtre, cette journée est la nôtre, mes compagnons d’armes ! “. Il donna des instructions spéciales pour que les cohortes attaquent les jambes et les cuisses des chevaux, puisque celles-ci étaient les seuls endroits des cataphractaires qui n’étaient pas cuirassés. Lucullus avec ses cohortes chargèrent en dévalant la colline et leur attaque se trouva être fatale. Les cataphractaires furent pris par surprise et, dans leurs tentatives pour se libérer de leurs attaquants, semèrent la confusion dans leurs propres rangs et les lignes commencèrent à s’effondrer. L’infanterie, qui était également composée de nombreux non-Arméniens, brisa les rangs et la confusion se propagea au reste du corps de l’armée de Tigrane II.
 
   Alors que le Roi lui-même prenait la fuite vers le Nord, la ligne entière de son armée cédait la place et fut massacrée. Le nombre de victimes signalées pour l’armée de Tigrane II est immense. Des estimations donnent de 10.000 à 100.000 hommes tués. Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste Grec, 46-v.125 ap.J.C) dit que, du côté Romain, “seulement une centaine furent blessés, et seulement cinq tués”, bien que ces faibles chiffres soient très irréalistes. Ross Cowan et Adam Hook, tout en tenant compte de ces pertes ridicules, pensent qu’il est clair que la bataille fut gagnée avec des pertes disproportionnées. Avec plus d’armée pour défendre Tigranocerta, et une population étrangère, les gardes non Arméniens de la cité trahirent Tigrane II en ouvrant les portes de la ville aux Romains. L’armée de Lucullus commença alors le pillage de la ville. La cité fut littéralement démontée pièce par pièce. Comme nous le précise Mihran Kurdoghlian, apprenant cela, le Roi bien qu’en pleine déroute, détacha alors 6.000 cavaliers pour secourir la ville sans attendre les troupes que Mithridate VI avait réussi à rassembler, afin d’espérer sauver ses épouses et certains de ses biens, mais en vain. Le trésor du Roi, une valeur estimée à 8.000 talents, fut pillé et chaque soldat Romain reçut 800 drachmes.
 
   La bataille entraîna également de graves pertes territoriales pour Tigrane II. La plupart de ses terres au Sud du Taurus tombèrent sous la domination de Rome. Malgré les lourdes pertes subies par le Roi, la bataille ne fut pas décisive pour mettre fin à la guerre. En se retirant vers le Nord, Tigrane II et Mithridate VI purent échapper aux forces de Lucullus. Cependant ils allaient de nouveau connaitre une défaite contre les Romains, en 68, à la bataille d’Artaxata à 25 Km. au Sud d’Erevan. La même année les forces de Lucullus commencèrent à se mutiner, voulant rentrer chez elle, et il dut se retirer d’Arménie l’année suivante. La bataille de Tigranocerta est mise en évidence par de nombreux historiens en particulier parce que Lucullus surmonta une énorme supériorité numérique face à son armée.

 

Bibliographie

 
   Pour d’autres détails sur la bataille voir les ouvrages de :
 
Hrand K.Armēn :
Tigranes the Great : A biography, Avondale, Detroit, 1940.
Metsn Tigran, Hratarakutʻiwn Hay Azgayin Himnadrami, Gahirē, 1957.
Warwick Ball :
Rome in the east : The transformation of an Empire, Routledge, New York, London, 2000-2001.
Ross Cowan et Adam Hook :
Roman battle tactics, 109 BC-AD 313, Osprey, Oxford, 2007.
Mihran Kurdoghlian :
History of Armenia, vol. III, Council of National Education Publishing, Athènes, 1996.
Hakob Manandyan, George A.Bournoutian et Hiranth Thorossian :
– Tigrane II et Rome : Nouveaux éclaircissements à la lumière des sources originales, Imprensa nacional, Lisbonne, 1963 – En Anglais, Tigranes II and Rome : Z new interpretation based on primary sources, CA Mazda Publishers, Costa Mesa, 2007.
Jesse Russell :
Battle of tigranocerta, Book On Demand Ltd, 2013.
Adrian Sherwin-White :
Lucullus, Pompey, and the east dans the Cambridge ancient history volume 9 : The last age of the Roman republic, 146-43 BC, Cambridge University Press, Cambridge, 1994.

 

 

               Bataille  d’Harran

06 Mai ou
01 Juin 53

 

Présentation

 
   La bataille d’Harran (ou bataille de Carrhes) se déroula le 06 Mai ou le 01 Juin ou le 09 Juin 53 av.J.C, les dates changent en fonction des sources. Elle eut lieu près d’Harran  (En arabe : حران  Harrán ou Jarán ou Haran, en Latin : Carrhae ou Carrhes ou Carre ou Charan, en Grec : Κάῤῥαι  Karrhai), qui se situe au Sud-est de la Turquie à quelques kilomètres du village actuel d’Altınbaşak, dans la vallée de la rivière Balikh, au croisement des routes de Damas, de Karkemish et de Ninive. Ce fut une confrontation entre les forces de la république Romaine sous le commandement de Marcus Licinius Crassus (Général et homme politique Romain, v.115-53), et les armées de l’Empire Parthe.


 

Buste de Marcus Licinius Crassus
Musée du Louvre

 
   Le Général de la cavalerie Parthe (ou Spahbod), Suréna (ou Suréna ou Suren, 84-52), durant le règne d’Orodès II (57 à 38 ou 54 à 38), remporta la victoire lors de l’invasion Romaine, de manière décisive grâce à une force numériquement supérieure. Cette bataille est généralement considérée comme l’une des plus anciennes et des plus importantes entre les Empires Romain et Parthe et l’une des défaites les plus écrasantes de l’histoire Romaine. Crassus, membre du Premier Triumvirat et l’homme politique le plus riche de Rome, avait été séduit par les perspectives de gloires militaires et de richesses et avait décidé d’envahir la Parthie sans le consentement officiel du Sénat. Il perdra la vie lors de ce conflit. Sa mort est parfois associée à la fin du Premier Triumvirat.
 
   Les récits les plus détaillés de la bataille nous viennent de Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste Grec, 46-v.125 ap.J.C) et de Dion Cassius (ou Cassius Dio Cocceianus, historien Romain, v.155-v.235), qui écrivirent plusieurs siècles après l’événement, vraisemblablement en puisant dans une ou des sources antérieures. Le récit de Tite-Live (ou Titus Livius, historien Romain, v.59 av.J.C-17 ap.J.C.), presque contemporain de la bataille, n’est connue de nos jours que par un abrégé sommaire. D’autres historiens antiques n’ont fait qu’une mention résumée de la campagne désastreuse. Presque tous insistent sur l’inconséquence de Crassus.

 

Le contexte

 
   La guerre de Rome contre les Parthes résulte d’arrangements politiques destinés à être mutuellement bénéfique pour Marcus Licinius Crassus, Pompée Magnus et Jules César, le Premier Triumvirat. En Mars et Avril 56 av.J.C, des réunions eurent lieu à Ravenne et Luca, dans la province de la Gaule Cisalpine, afin de réaffirmer l’alliance formée quatre ans plus tôt. Il fut convenu que le Triumvirat mobiliserait leurs partisans et des ressources pour prolonger la campagne Gauloise de César et influencer les élections à venir pour 55, avec l’objectif d’un second consulat commun pour Crassus et Pompée. Les dirigeants du Triumvirat visaient à étendre la puissance de leur faction par des moyens traditionnels : Commandes militaires, en plaçant des alliés politiques à différents postes, et faire progresser la législation pour promouvoir leurs intérêts. Des pressions sous diverses formes furent exercées sur les élections notamment grâce à l’argent.
 
   La faction obtint le Consulat et la plupart, mais pas tous, des autres postes recherchés. La loi adoptée par le Tribun Gaius Trébonius (ou Caius, † 43 av.J.C. – Lex Trebonia) accordait un Consulat prolongé de cinq ans, correspondant à celui de César en Gaule, aux deux Consuls sortants. Les provinces Espagnoles allaient à Pompée, Crassus récupérait la Syrie, avec l’intention non dissimulée d’aller à la conquête des terres Parthes. Ce notoirement riche Marcus Crassus avait environ soixante ans et était malentendant lorsqu’il lança l’invasion de la Parthie. L’avidité est souvent considérée par les sources anciennes, en particulier Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste Grec, 46-v.125), comme le défaut majeur de son caractère et aussi son motif principal pour partir à la guerre. L’historien spécialiste de Rome, Erich Stephen Gruen, avance que le but de Crassus était d’enrichir le trésor public, car sa richesse personnelle était faite. La plupart des historiens modernes ont tendance à considérer que son avidité insatiable, son envie d’exploits militaires vis à vis de Pompée, puisque sa réputation militaire fut toujours inférieure à celle de ce dernier, et après cinq ans de guerre en Gaule, à celle de César, furent les détonateurs de cette décision de campagne.
 
   Jusque-là, ses principales réalisations militaires avaient été la mise en défaite de Spartacus en 71 et sa victoire à la bataille de la Porte Colline (Bataille en 82 qui mit fin à la deuxième guerre civile entre Marius et Sylla) pour Sylla, une décennie plus tôt. Plutarque nous dit que César écrivit à Crassus de Gaule, approuvant son plan d’envahir la Parthie. Il considérait la campagne militaire de Crassus comme complémentaires et non pas une affaire de rivalité. Un autre facteur dans la décision de Crassus pour partir en guerre était d’après lui l’aisance de la campagne. Les légions Romaines avaient facilement écrasé des armées, pourtant numériquement supérieures, d’autres puissances à l’Est, tels que le Pont et l’Arménie et Crassus pensait les Parthes être une cible facile.
 

Cavalier Parthe
Palazzo Madama, Turin

    Il faut souligner que certains Romains étaient opposés à la guerre contre les Parthes. Cicéron (Orateur et politicien Romain, 106-43) l’appelle la guerre causa nulla (sans justification), au motif que les Parthes avaient un traité avec Rome. Gaius Ateius Capito (Tribun de la Plèbe en 55) mit en place une vive opposition et mena un rituel public d’exécration que Crassus dut subir alors prêt au départ. En dépit des protestations et des présages terribles, Marcus Crassus quitta Rome le 14 Novembre 55 av.J.C. Publius Licinius Crassus Dives (Second fils de Marcus Licinius Crassus) le rejoignit en Syrie durant l’hiver 54-53, apportant avec lui 1.000 cavaliers Galates et des troupes de Gaule.
 
   Crassus arriva en Syrie à la fin de 55 et se mit aussitôt avec l’aide de son immense richesse à lever une armée. Il rassembla une force de sept légions (environ 40/50.000 hommes). En outre, il avait également environ 8.000 auxiliaires, 4.000 hommes d’infanterie légère et 4.000 cavaliers, y compris les 1.000 Galates que Publius avait apportés avec lui. Avec l’aide des colonies Helléniques de Syrie et le soutien d’environ 6.000 cavaliers du Roi de Grande Arménie Artavazde III (ou II, ou Artavasdes ou Artavaside ou Artuasdes, 54-34) et des troupes du Roi d’Osroène, Abgar II bar Abgar (68-53) qui avait déjà aidé Pompée dans ses campagnes orientales, Crassus marcha sur la Parthie.
 
   Artavazde III lui conseilla de prendre un itinéraire à travers l’Arménie pour éviter le désert et lui offrit des renforts de 16.000 cavaliers et 30.000 fantassins. Crassus refusa l’offre et préféra écouter les conseils d’Abgar II. Il décida de prendre la route directe à travers le Nord de la Mésopotamie et de prendre les grandes villes de la région. Il franchit alors l’Euphrate dans le but de prendre Séleucie du Tigre, mais il fut trahit par Abgar II qui se rangea du côté du Roi Parthe Orodès II ( 57-38 ou 54-38).
 
   Dans le même temps Orodès II divisa son armée. Il prit le commandement de la plupart de ses soldats à pied, principalement des archers, avec une petite quantité de cavalerie, pour punir les Arméniens et il envoya le reste de ses forces, 9.000 archers à cheval et 1.000 cataphractaires (Forme de cavalerie lourde) sous le commandement du Général Surena (ou Suréna ou Suren, v.84-52), harceler l’armée de Crassus. Orodès II ne pensait pas que la force de Surena, surpassée en nombre par près de un contre quatre, serait en mesure de vaincre Crassus, il voulait simplement le retarder. Crassus avait confiance en Abgar II et ne se doutait pas qu’il put être à la solde des Parthes.


 

Monnaie d’Orodès II

 
   Ce dernier l’avait exhorté d’attaquer, déclarant faussement que les Parthes étaient faibles et désorganisés. Il fit ensuite se diriger l’armée de Crassus dans la partie la plus désolée du désert, loin de tout point d’eau. Ce fut là que Crassus reçut un message d’Artavazde III (ou II), affirmant que la principale armée Parthe était en Arménie et lui demandant de l’aide. Crassus ignora le message et continua son avancée en Mésopotamie. Mais il allait rencontrer sur sa route l’armée de Surena (ou Suréna ou Suren), près de la ville de Harran (ou Carrhae ou Carrhes ou Carre ou Charan ou Karrhai).

 

Le déroulement

 
   Des patrouilles de reconnaissance Romaines furent envoyées afin d’estimer la puissance ennemie. Elles furent durement accrochées mais réussirent à signaler l’approche de l’armée Parthe, l’armée de Marcus Licinius Crassus alors paniqua. Son Général Caius Cassius Longinus (ou Gaius Cassius) recommanda que l’armée se déploya selon les habitudes Romaines traditionnelles, avec l’infanterie formant le centre et la cavalerie sur les ailes. Dans un premier temps Crassus suivit cet avis, mais bientôt il changea d’opinion et redéploya ses hommes en carré, chaque côté formé par douze cohortes. Cette formation permettait de protéger ses forces en leur évitant d’être débordées, mais au prix d’une réduction de leur mobilité. Les forces Romaines progressèrent ainsi mais en restant à distance de l’ennemi. Les Généraux de Crassus lui conseillèrent de faire le campement, et de n’attaquer que le lendemain matin afin de laisser à leurs hommes le temps de se reposer.
 
   Le fils de Crassus, Publius Licinius Crassus Dives, cependant, était impatient de se battre et réussit à convaincre son père d’affronter les les Parthes immédiatement. Ces derniers décidèrent de très loin d’essayer d’impressionner les Romains. Ils se mirent à taper sur un très grand nombre de tambours creux. La cacophonie qui en résultat perturba les troupes Romaines. Le Général Parthe Surena (ou Suréna ou Suren) ordonna ensuite à ses cataphractes de couvrir leur armure dans des draps et d’avancer. Lorsqu’ils arrivèrent à la vue des Romains, ils laissèrent tomber simultanément les draps, révélant leur armure brillante. Cette tactique avait pour but d’intimider les Romains, mais Surena fut surpris de l’absence de l’effet désiré. Bien qu’il ait initialement prévu de briser les lignes Romaines avec une charge de ses cataphractes, il jugea que l’effet de surprise ayant échoué il n’aurait pas de force suffisante pour casser la formation. C’est alors qu’il envoya ses archers à cheval pour entourer la position Romaine.
 

Cavaliers Parthes

   Crassus réagit et envoya ses tirailleurs affronter les archers à cheval au loin, mais ils furent repoussés par les flèches de ces derniers. Les archers à cheval engagèrent alors les légionnaires. Les légionnaires étaient protégés par des grands boucliers (scuta) et des armures, mais ceux-ci ne couvraient pas l’ensemble du corps. Certains historiens décrivent que les flèches des cavaliers Parthes pénétraient partiellement les boucliers Romains touchant les membres. D’autres affirment que la majorité des blessures infligées aux membres exposés étaient des coups non mortels.
 
   Les Romains avancèrent à plusieurs reprises vers les Parthes pour tenter de livrer des combats rapprochés où ils étaient supérieurs, mais les archers à cheval furent toujours en mesure de s’esquiver en toute sécurité, assénant leurs coups en se retirant. Les légionnaires prirent alors la formation de la tortue, dans laquelle ils s’enfermaient de leurs boucliers pour présenter un front presque impénétrable aux flèches. Cependant, cette formation restreignait sévèrement leur capacité de combat au corps à corps.
 
   Les cataphractes Parthes exploitèrent cette faiblesse et fracturèrent à plusieurs reprises les lignes Romaines, provoquant la panique et infligeant de lourdes pertes. Lorsque les Romains essayaient de desserrer leur formation dans le but de repousser les cataphractes, ceux-ci se retiraient rapidement et les archers à cheval reprenaient leurs tirs sur les légionnaires maintenant exposés. Crassus espérait maintenant que ses légionnaires pourraient tenir jusqu’à ce que les Parthes manquent de flèches. Cependant, Surena utilisa des milliers de chameaux pour ravitailler ses archers à cheval. Voyant cela, Crassus envoya son fils Publius avec 1.300 cavaliers Galates, 500 archers et 8 cohortes de légionnaires pour chasser les archers à cheval. Ces derniers feignirent une retraite, en tirant sur la force de Publius, qui subit de lourdes pertes sous le déluge de flèches en les poursuivants.
 
   Une fois que Publius et ses hommes furent suffisamment séparés du reste de leur armée, les cataphractes Parthes leur firent face pendant que les archers à cheval faisaient demi-tour et leur coupaient la retraite. Dans le combat qui suivit les Galates se battirent courageusement, mais leur infériorité en armement et armure était évidente et ils finirent par se retirer sur une colline, où Publius se suicida alors que le reste de ses hommes était écrasés. Crassus, ignorant le sort de son fils, mais réalisant qu’il était en danger, ordonna une avancée générale. Lors de celle-ci, il fut confronté à la vue de la tête de son fils sur une lance. Dans le même temps les archers à cheval Parthes commencèrent à encercler l’infanterie Romaine, tirant sur elle dans toutes les directions, tandis que les cataphractes lançaient une série de charges qui désorganisa les Romains. L’assaut Parthe ne cessa qu’à la nuit.
 
   Crassus, profondément ébranlé par la mort de son fils était trop abattu pour commander. Ses officiers Cassius et Octavius réunirent un conseil qui ordonna une retraite dans la ville voisine de Harran (ou Carrhae ou Carrhes ou Carre ou Charan ou Karrhai), pendant la nuit sans attirer l’attention des Parthes, laissant derrière eux des milliers de blessés incapables de se déplacer, qui furent capturés par les Parthes. Ces derniers s’aperçurent de la fuite nocturne des Romains, mais attendirent le lendemain pour les poursuivre. Le 07 Mai (ou le 02 Juin ou le 10 Juin), les Romains furent assiégés dans la ville sans espoir de secours. Surena comprit que les Romains pourraient lui échapper, s’ils réussissaient à s’enfuir et atteignaient les hauts plateaux Arméniens. Le lendemain, Il envoya un message aux Romains, proposant un armistice. Il proposa une trêve, permettant à l’armée Romaine de retourner en Syrie en toute sécurité, en échange qu’on lui livre Crassus et Cassius et que Rome renonce à prendre tous territoires à l’Est de l’Euphrate.
 
   Crassus, qui redoutait un piège, était réticent à rencontrer les Parthes, conscient de la mort qui l’attendait, mais ses troupes menaçaient de se mutiner s’il n’acceptait pas. Lors de la réunion, un Parthe tira les rênes du cheval de Crassus. Ce qui se passa alors demeure enveloppé de mystère. Octavius et son escorte s’y opposèrent déclenchant la panique, qui entraina la confusion laissant éclater une violente réaction des Parthes. Dans l’affrontement, Crassus et ses Généraux furent tués par les Parthes, certains avancent par une main Romaine, pour éviter l’humiliation de la captivité ?. Dion Cassius (Historien Romain, v.155-v.235), rapporte que les Parthes versèrent de l’or fondu dans la bouche de Crassus, par dérision sur sa soif de richesse. Comme trophée, Surena envoya la tête et la main coupées de Crassus à son Roi Orodès II. Les Romains restant à Harran (ou Carrhae ou Carrhes ou Carre ou Charan ou Karrhai) tentèrent de fuir, mais la plupart furent capturés ou tués.
 
   Le bilan de la confrontation fut désastreux pour les Romains. Selon Plutarque (Philosophe, biographe et moraliste Grec, 46-v.125 ap.J.C), 20.000 soldats Romains périrent et 10.000 furent faits prisonniers et réduits à l’état d’esclavage dans l’armée Parthes, dans les provinces à l’Est du royaume, faisant de la bataille une des défaites les plus coûteuses de l’histoire Romaine. Les pertes Parthes furent minimes. Rome fut humiliée par cette défaite, et cela fut encore aggravée par le fait que Surena s’empara de sept aigles des légionnaires Romains, ces enseignes dont la hampe était surmontée d’un aigle en argent, et les consacra au temple d’Anahita à Ctésiphon. La perte des enseignes représentait une véritable humiliation et un grand déshonneur pour Rome. La région de Harran (ou Carrhae) retomba sous la domination des Parthes. Orodès II, avec le reste de son armée, vaincu les Arméniens et envahit leur pays. Mais la défaite Romaine n’avait pas modifié l’équilibre entre les deux puissances et n’avait pas découragé les Romains, qui reprirent plus tard les hostilités, sans jamais réussir à envahir les Parthes.

 

Bibliographie

 
   Pour d’autres détails sur la bataille voir les ouvrages de :
 
Adrian David Hugh Bivar :
The campaign of Carrhae, pp : 48–56, The Cambridge History of Iran, Cambridge University Press, vol. 3, 1983.
Lee L.Brice :
Warfare in the Roman republic : from the Etruscan wars to the battle of Actium, ABC-CLIO, Santa Barbara, 2014.
Ross Cowan et Adam Hook :
Roman battle tactics, 109 BC-AD 313, Osprey, Oxford, 2007.
Bill Fawcett :
How to lose a battle : oolish plans and great military blunders, Harper, New York, 2006.
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M. Licinius Crassus : A Review Article, p. 125, American Journal of Ancient History 2, 1977.
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Maurice Sartre :
D’Alexandre à Zénobie : Histoire du Levant antique, IVe siècle avant J.C.-IIIe siècle après J.C., Fayard, Paris, 2003.
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Philip Sidnell :
Warhorse : Cavalry in ancient warfare, pp : 237–242, Continuum, 2006.
Giusto Traina :
La resa di Roma : 9 giugno 53 a.C., battaglia a Carre, GLF Editori Laterza, Roma, 2010 – 2011.
Carrhes 9 juin 53 avant J.C. : Anatomie d’une défaite, Les Belles Lettres, Paris, 2011.
James M.Tucci :
The battle of Carrhae : The effects of a military disaster on the Roman Empire, University of Missouri-Columbia, 1992.
Katharina Weggen :
Der lange schatten von Carrhae : Studien zu M. Licinius Crassus, Kovac, Hamburg, 2011.

 

 

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